En ne suspendant pas le compte du locataire, la société Airbnb a manqué à ses obligations légales et fourni à celui-ci le moyen de s’affranchir de ses obligations contractuelles, causant divers préjudices au propriétaire.
En l’espèce, l’action en responsabilité du propriétaire était dirigée non pas contre le locataire qui sous-louait illicitement son logement mais contre la plateforme par l’intermédiaire de laquelle la sous-location prohibée avait été réalisée.
La demande est accueillie par le tribunal d’Instance de Paris.
Pour caractériser la faute délictuelle, la juridiction relève que la société n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 342-2-1 du code de tourisme l’obligeant à informer le loueur de l’obligation de déclaration ou d’autorisation préalable et à recueillir une attestation sur l’honneur du respect de ces obligations.
Elle constate en outre que la plateforme a permis que le logement soit loué plus de cent vingt jours par an en contravention à la réglementation.
Le tribunal en déduit que la société, ayant manqué à ses obligations légales, a fourni au locataire le moyen de s’affranchir de ses obligations contractuelles et, « avec une certaine mauvaise foi et peut-être en connivence avec le locataire, laissé perdurer ses manquements ».
Le tribunal applique ainsi la jurisprudence selon laquelle le tiers qui permet sciemment à un contractant de manquer à ses obligations contractuelles engage sa responsabilité à l’égard du créancier sur le fondement de la responsabilité délictuelle (Com. 24 mars 1998, n° 96-15.694 ; Civ. 1re 26 janv. 1999, n° 96-20.782).
Le tiers n’est pas tenu d’exécuter le contrat, cependant il ne peut l’ignorer : la convention constitue un fait qui lui est opposable.
La loi du 6 juillet 1989 interdit au locataire de sous-louer le logement sans l’accord écrit du bailleur, y compris sur le montant du loyer. Une sous-location prohibée constitue une faute contractuelle susceptible de provoquer la résiliation du bail si elle est jugée suffisamment grave.
La complicité d’Airbnb peut paraître de prime abord discutable, dès lors que l’autorisation requise par le code de tourisme a un objet précis : il s’agit de déclarer la location auprès de la mairie à des fins de contrôle de l’affectation des logements.
Mais cette déclaration n’a pas pour objet de vérifier si le loueur dispose des droits lui permettant de louer le logement.
Il en résulte qu’il n’y a pas lien de causalité entre la carence d’Airbnb et la violation du bail.
Cependant, le loueur doit également déclarer que le logement proposé sur le site constitue sa résidence principale, c’est-à-dire qu’il y réside au moins huit mois dans l’année.
Par ailleurs, la plateforme doit veiller à ce que les locations n’excèdent pas plus de cent vingt jours par an.
En permettant des locations pour une durée plus importante, l’intermédiaire ne pouvait ignorer que le logement ne constituait plus la résidence principale du loueur.
Or, si une sous-location très ponctuelle pourrait être tolérée, le manquement contractuel est caractérisé lorsque le locataire n’habite plus les lieux mais en fait une source de revenus.
La négligence d’Airbnb sur ce point a donc permis au locataire de contrevenir gravement au contrat.
Qu’en est-il du préjudice ? Une précédente décision du tribunal d’instance de Paris a refusé de faire droit à la demande d’indemnisation du bailleur faute de préjudice matériel, le logement ayant été restitué libre de tout occupant (TI Paris, 31 mars 2017, JT 2017, n° 198. p. 12, obs X. Delpech ; TI Paris 20e arr., 31 mars 2017 et TI Nogent-sur-Marne, 21 févr. 2017, AJDI 2017. 505, obs. F. De la Vaissière ).
Dans la décision commentée, le bailleur se voit indemnisé d’un préjudice moral constitué par l’occupation de son appartement par des tiers, les plaintes des voisins, et les démarches nécessaires pour faire constater et cesser la sous-location. (v. égal. TI Paris, 6 avr. 2016, préc.). Au titre du préjudice matériel, le tribunal lui accorde une indemnité couvrant les frais d’huissier ainsi qu’une somme correspondant à celle perçue par la société du fait de la mise à disposition illicite de son bien sur le fondement des articles 546 et 547 du code civil. Ces articles réservent au seul propriétaire la possibilité de tirer profit des utilités du bien et notamment d’en récolter les fruits civils.
En tirant profit de l’exploitation du bien d’autrui, la plateforme s’est certes enrichie indûment, cependant, il est contestable que cet enrichissement constitue un préjudice pour le propriétaire qui ne subit pas de pertes. Le lien de causalité fait défaut. Il est reproché à la plateforme d’avoir facilité une sous-location irrégulière. Or, si la sous-location avait été régulière ou ne s’était pas produite, le propriétaire n’aurait pas davantage perçu cette commission d’intermédiation. Seuls des dommages et intérêts punitifs permettraient d’indemniser le bailleur sur ce fondement, or ceux-ci ne sont pas admis en droit français.
Tribunal d’Instance de Paris du 6ème arrondissement, 6 février 2018, n° 11-17-000190