Doit être considérée comme réalisée la condition suspensive tenant à l’obtention d’un prêt insérée dans une promesse dès lors que la demande de prêt présentée par l’acheteur à l’organisme de crédit ne correspondait pas aux caractéristiques définies dans le contrat.
En l’espèce, une promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt à un certain taux a été conclue. Le notaire du vendeur s’est toutefois vu notifier par celui de l’acheteur la renonciation de ce dernier à acquérir le bien en raison du refus de la banque de lui accorder le prêt.
Le vendeur a alors assigné l’acheteur pour faire reconnaître l’inexécution de ses obligations contractuelles visées au compromis et obtenir la réalisation de la condition suspensive tenant à l’obtention du prêt.
Il entendait, plus précisément, bénéficier du jeu d’une clause pénale insérée dans la promesse au motif que l’acheteur avait demandé à l’établissement bancaire un prêt à un taux inférieur au taux prévu au contrat, de sorte que ce dernier aurait instrumentalisé la condition suspensive. Il avait, en outre, demandé l’allocation de dommages et intérêts compensant le préjudice résultant de l’absence de conclusion de la vente.
Pour rejeter cette argumentation et le débouter de ses demandes, la cour d’appel a estimé que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constituait pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale. Selon les juges du fond, la condition suspensive n’avait aucunement été instrumentalisée.
L’arrêt déféré est toutefois cassé par la Cour de cassation au visa de l’article 1178 du code civil.
En effet, elle observe, notamment, que l’acheteur avait sollicité auprès de la banque un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse.
Pour la Cour, en se prononçant ainsi, les juges du fond ont violé le texte visé. Soulignant un lien de dépendance nécessaire entre les deux moyens développés par le demandeur, celle-ci précise également, au visa de l’article 624 du code de procédure civile, que l’annulation de la disposition relative à la clause pénale affectait également la disposition relative au rejet de la demande de dommages-intérêts.
La solution retenue n’est pas inédite. Il résulte de l’article 1178 du code civil qu’une condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur qui en a empêché l’accomplissement.
Selon une jurisprudence abondante, ce texte trouve à s’appliquer dès lors que, dans une promesse avec condition suspensive de l’obtention d’un prêt, la demande de prêt effectuée par le bénéficiaire n’est pas conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (Civ. 1re, 13 nov. 1997, Bull. civ. I, n° 310; 9 févr. 1999, Bull. civ. I, n° 50 ; 13 févr. 2001, Bull. civ. I, n° 33 ; 7 mai 2002, Bull. civ. I, n° 124 ; Civ. 3e, 30 janv. 2008, n° 06-21.117), la charge de la preuve appartenant en pareil cas au promettant (Civ. 3e, 26 mai 2010, n° 09-15.317).
Cette sanction attachée à l’absence de conformité de la demande est conçue de façon très générale par la Cour de cassation.
Une condition sera réputée réalisée dès lors que cette demande s’écarte des dispositions contractuelles, qu’il s’agisse d’une considération liée à l’identité de la partie qui sollicite le prêt (Civ. 3e, 27 févr. 2013, n° 12-13796 : la demande de prêt avait été faite au nom d’une société civile immobilière en cours de constitution et non par les bénéficiaires eux-mêmes comme convenu dans la promesse pour voir le commentaire cliquez ici) ou, plus classiquement, aux modalités du prêt sollicité.
Il en est, par exemple, ainsi lorsque :
– le bénéficiaire d’une promesse de vente fait une demande de financement pour un montant supérieur à celui envisagé dans la promesse et ne se soumet pas aux formalités nécessaires (Com. 23 nov. 1993, Bull. civ. IV),
– ou lorsque l’emprunteur demande un prêt supérieur à celui prévu dans la promesse de vente (Civ. 3e, 19 mai 1999, Bull. civ. III, n° 120).
D’un point de vue général, la solution adoptée caractérise la nécessité pour l’acheteur de remplir avec diligence son obligation de solliciter le crédit immobilier en se conformant aux dispositions de l’avant-contrat. Elle s’oppose ainsi à ce que l’acquéreur fasse lui-même échec à la réalisation de la condition suspensive (en ce sens, V. Rép. imm., v° Crédit immobilier, par D. Mazeaud et S. Piedelièvre, n° 87).
Mais il est aussi possible d’en tirer un enseignement purement pratique. L’arrêt souligne, en effet, le soin avec lequel il convient de rédiger les promesses de vente.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 20 novembre 2013 n°12-29021