L’exercice du droit de repentir du bailleur n’est pas fautif dès lors (1) qu’il est exercé avant le rendu d’une décision passée en force de chose jugée concernant le montant de l’indemnité d’éviction, et (2) que la locataire n’a pas engagé un processus irréversible de départ des lieux. De plus, le bailleur doit rembourser à la locataire la totalité des frais taxables et non taxables que celle-ci a exposés jusqu’au terme de l’instance pendant laquelle le repentir a été exercé.
En l’espèce, le 6 octobre 2011, la bailleresse a refusé le renouvellement du bail et a offert le paiement d’une indemnité d’éviction.
Le 28 mars 2012, la locataire a assigné la bailleresse en fixation de cette indemnité, que l’expert judiciaire a évaluée à un certain montant.
Le 30 juillet 2015, la bailleresse a exercé son droit de repentir.
C’est en vain que la locataire fait grief à l’arrêt de dire que la bailleresse a valablement exercé son droit de repentir.
En effet, d’une part, ayant retenu que la bailleresse avait exercé son droit de repentir avant qu’une décision passée en force de chose jugée n’ait été prise concernant le montant de l’indemnité d’éviction et que la locataire n’ait engagé un processus irréversible de départ des lieux, la cour d’appel en a exactement déduit que l’exercice du droit de repentir respectait les conditions posées à l’article L. 145-58 du Code de commerce.
D’autre part, elle a, d’abord, retenu que l’existence d’une faute ne pouvait être déduite du seul fait que la bailleresse ait exercé son droit de repentir un mois après le dépôt du rapport d’expertise et presque quatre ans après le refus de renouvellement du bail.
Ensuite, elle a estimé que les travaux de réhabilitation entrepris par la bailleresse, s’ils avaient causé des désagréments à la locataire, n’avaient pas fait obstacle à la poursuite de son activité commerciale dans les lieux loués.
Enfin, elle a relevé qu’alors que l’évolution des facteurs locaux de commercialité pouvait être prise en compte dans la fixation du loyer du bail renouvelé, la locataire n’avait pas sollicité judiciairement une diminution du loyer.
En l’état de ces énonciations, constatations et appréciations, elle a pu en déduire que l’exercice par la bailleresse de son droit de repentir n’était pas fautif.
Selon l’article L. 145-58 du Code de commerce, le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail.
Pour condamner la locataire au paiement des dépens et des frais irrépétibles, l’arrêt retient qu’elle succombe à l’instance.
En statuant ainsi, alors que la bailleresse doit rembourser à la locataire la totalité des frais taxables et non taxables que celle-ci a exposés jusqu’au terme de l’instance pendant laquelle le repentir a été exercé, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 Février 2023 n°21-21.985