Pour faire suite à la chronique immobilière sur France-Info sur ce sujet (pour l’écouter cliquez ici) Une dernière jursiprudence vient encore illustrer les particfularités de ce typre de congé.
En matière de protection des locataires âgés et démunis, seules les ressources régulières du locataire sont à prendre en considération. Quant au local de remplacement, il doit correspondre à ses besoins et à ses possibilités.
Aux termes de l’article 15-III de la loi n° 89-42 du 6 juillet 1989, le bailleur ne peut délivrer congé à son cocontractant sans lui proposer un logement de remplacement, dès lors qu’il est âgé de plus de soixante-dix ans et que ses ressources annuelles sont, à la date de notification, inférieures à une fois et demie le montant annuel du SMIC.
Le logement de substitution doit correspondre aux besoins et possibilités du locataire et être situé aux alentours (plus précisément, il doit, selon le texte, être situé « dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ».
Dans la présente espèce, le locataire contestait à la fois dépasser le seuil de revenus et l’adaptation du logement qui lui était proposé.
Sur la condition de ressources, pour arguer d’un dépassement, le bailleur (et, avec lui, la cour d’appel de Grenoble, dans son arrêt du 14 janvier 2008), a, au-delà de la somme perçue par le preneur au titre de ses pensions et retraite, pris en considération :
• les revenus de capitaux de valeurs mobilières,
• les revenus soumis au prélèvement libératoire,
• et, surtout, le fruit de la vente de biens immobiliers en 2003 pour 215 000 €, somme dont le locataire ne justifiait pas le remploi.
Cette approche est censurée par les hauts magistrats, qui considèrent que les motifs retenus par les juges du fond sont « impropres à établir qu’à la date de notification du congé les ressources annuelles [du locataire] dépassaient le seuil légal « .
Et l’on ne peut que souscrire à cette analyse, puisque la notion de « ressources annuelles » implique nécessairement une récurrence (jugeant que seules les ressources régulières sont à prendre en considération, Cour de Cassation 3ème Chambre Civile, 28 mai 1997 n°95-18116).
D’ailleurs, par le passé, il a déjà été jugé qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte des aides familiales épisodiques et ponctuelles, pécuniaires ou en nature (Paris, 22 mai 1991, Rev. loyers 1991. 324, décision rendue sous l’empire de la loi Quilliot, mais dont la solution est parfaitement transposable dans notre droit positif), pas plus que la perception d’un capital (Pau, 8 mars 1995, Cah. jurispr. Aquitaine 1995. 70) ou la vente de fonds communs de placement (Civ. 3e, 8 mai 1997, préc. ; comp. toutefois, Paris, 22 mai 1991, préc.). Et il en va de même pour les primes d’assurance-vie (Paris, 7 nov. 1996, Loyers et copr. 1997, n° 8).
Concernant les propositions de relogement, le juge du fond a estimé qu’elles répondaient aux exigences du texte, puisque le locataire s’est notamment vu proposer un appartement de 80 m2 dans le même immeuble que celui qu’il occupe, pour un loyer mensuel et provisions pour charges légèrement supérieures.
La haute cour censure cette solution puisque, selon elle, ces motifs sont « impropres […] à établir que les logements qui lui étaient proposés correspondaient à ses besoins et ses possibilités au regard de ses ressources ».
À vrai dire, seule la lecture du moyen permet de comprendre cette solution. On apprend en effet que le logement proposé à la location ne l’était que « pour une durée maximale de trois ans, le propriétaire ayant l’intention de vendre à l’issue de ces trois années« .
Or, le locataire, demandeur au pourvoi, estimait que le juge aurait dû rechercher si la durée possible du logement offert correspondait à ses besoins et à ses possibilités.
On peut être réservé quant à l’inadéquation de l’offre par rapport aux « possibilités » du locataire, les conditions financières du logement proposé étant pratiquement les mêmes que celles en vigueur pour le logement quitté.
Restent donc les « besoins » du locataire, et l’on comprend le raisonnement des hauts magistrats, qui s’attachent à ce que le preneur âgé puisse bénéficier d’une certaine stabilité.
Cela étant, rien dans le texte n’instaure, au bénéfice du preneur, un droit à rester indéfiniment dans le logement de remplacement.
D’ailleurs, le nouveau bailleur pourra, lui aussi, « bénéficier » du mécanisme de l’article 15-III, mécanisme pouvant, au surplus, conduire au départ du locataire en présence d’un bailleur âgé de soixante ans ou peu fortuné.
Au reste, il a été jugé sous l’empire de l’article 18 de la loi de 1948, qui n’envisage que les besoins personnels, familiaux ou professionnels du locataire et dont l’article 15-III s’inspire largement, qu’aucune disposition légale n’exige que le local offert présente une garantie de droit au maintien dans les lieux (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 24 avril 1981 n°79-15898).
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 16 septembre 2009 n°08-15589