Le risque d’éviction du preneur justifie la résiliation du bail commercial et le versement de dommages-intérêts s’agissant d’un préjudice, certes futur, mais certain.
En l’espèce, des locaux avaient été donnés à bail pour l’exploitation d’un restaurant.
À la suite de la cession du fonds de commerce, un litige survint entre le cessionnaire et le bailleur. Le cédant avait en effet fait édifier des locaux sur un terrain appartenant à la société EDF, avec laquelle le bailleur avait ensuite conclu une convention d’occupation précaire. Invoquant un risque d’éviction, le cessionnaire assigna le bailleur en résiliation du bail et en paiement de dommages et intérêts.
La cour d’appel fit droit à sa demande en retenant un manquement du bailleur à son obligation relative à la jouissance paisible du preneur.
L’article 1719 du code civil impose en effet au bailleur de garantir, pendant toute la durée du bail, le locataire contre les troubles de jouissance résultant de ses propres actions, mais aussi contre les troubles de droit émanant de tiers.
En l’espèce, la société EDF pouvait à tout moment solliciter la restitution du bien concédé. L’exploitation d’une partie des locaux loués était ainsi soumise au bon vouloir d’un tiers disposant de droits venant contredire ceux conférés par le bailleur au preneur.
Contrairement à ce qui était soutenu dans le pourvoi, le fait que l’éviction n’ait pas encore eu lieu n’était pas dirimant.
La Cour de cassation confirme ici qu’un simple risque d’éviction peut justifier la résolution du contrat de bail (Civ. 3e, 10 mai 1990, n° 89-15.772) et l’indemnisation du préjudice subi par le preneur.
Bien qu’il soit futur, ce préjudice n’en est pas moins certain dès lors qu’il apparaît aux juges du fond comme « la prolongation directe et certaine d’un état de fait actuel ».
Il convient en effet de distinguer le préjudice éventuel du préjudice virtuel. Tandis que le premier est purement hypothétique et ne saurait donner lieu à indemnisation, le second « existe en puissance (…) parce que sont déjà réunies toutes les conditions de sa réalisation dans l’avenir ; il est virtuellement présent ».
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 mars 2017, 15-11419 15-25136