La création d’une parapharmacie dans un hypermarché ne constitue pas obligatoirement une modification substantielle nécessitant une nouvelle autorisation d’exploitation commerciale.
Dans cet arrêt, le Conseil d’État vient apporter des précisions sur l’application de l’ancien article L. 720-5-VI du code de commerce (actuel art. L. 752-15, sans modification sur le fond). Cet article, alors applicable disposait qu’une : « […] nouvelle autorisation est nécessaire lorsque le projet, en cours d’instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente […]« .
Les modifications substantielles sont celles qui affectent l’économie du projet et susceptibles d’avoir une influence sur le sens de la décision prise initialement.
Ainsi, une nouvelle répartition des surfaces entre les commerces peut constituer une modification substantielle (CE 13 mars 1996, Sté Sari Centres commerciaux, n° 127544, RJDA 1996, n° 965 ; Dr. adm. 1996, n° 347, note Schwartz ; V. aussi CE 20 mai 2005, SCI Bercy Village, n° 258061, Constr.-Urb. 2005, n° 193, note Rousseau ; JCP E 2007, n° 12, p. 19, note Destours).
Il a également été jugé que la transformation d’un centre automobile ayant fait l’objet d’une autorisation d’exploitation commerciale en magasin de bricolage nécessitait une nouvelle autorisation dès lors qu’elle avait été décidée avant l’ouverture au public, même si elle n’était intervenue qu’après cette ouverture (CE 27 juill. 2005, SCI Loste et Sarl Vic Bricolage, n° 271186, Defrénois 2006. 1692, obs. Meng ; Constr.-Urb. 2006, n° 160, note Renaux ; BJDU 2006. 396 ; JCP E 2007, n° 12, p. 19, obs. Destours).
Le Conseil d’État se prononçait ici après que le tribunal de commerce de Nantes, initialement saisi, eut sursis à statuer et renvoyé l’affaire vers le tribunal administratif de Nantes (rappelons à ce propos que la Cour de cassation considère que le juge administratif est seul compétent pour apprécier du caractère substantiel de modifications apportées à un projet pour l’application de l’art. L. 752-15 c. com. : Com. 25 févr. 2003, Sté Stylfringues c. Sté Phaned, RJDA 2003, n° 886) pour « déterminer si la création d’une activité autonome de parapharmacie, à l’intérieur de la surface d’extension autorisée par la commission départementale d’équipement commercial […] constitue une modification substantielle impliquant, en vertu du VI de l’article L. 720-5 du code de commerce, une nouvelle demande d’autorisation« . Le tribunal administratif a répondu à cette question par l’affirmative.
Le tribunal n’est pas suivi par le Conseil.
Ce dernier rappelle tout d’abord un point important concernant l’applicabilité du dispositif de contrôle eu égard à l’ouverture au public : les dispositions de l’article L. 752-15 du code de commerce (ancien art. L. 720-5-VI c. com.) « sont applicables lorsque la modification intervient avant l’ouverture au public d’une surface nouvelle autorisée, y compris lorsque cette surface nouvelle constitue seulement une extension d’une surface initiale précédemment autorisée« . L’arrêt SCI Loste et Sarl Vic Bricolage (non publié au Lebon) précité avait apporté une nuance.
Le Conseil d’État se livre ensuite à un contrôle poussé des faits de l’espèce afin d’apprécier le caractère substantiel ou non des modifications apportées par l’ajout d’une parapharmacie au sein de l’extension dûment autorisée : mise en rapport de la surface de la parapharmacie à celle de l’hypermarché (92 m² alors que l’extension autorisée est de 1487 m² soit 6 % de celle-ci et 0,8 % de la surface totale) ; absence d’influence de la non-mention de la parapharmacie dans le dossier examiné par la commission départementale d’équipement commercial (actuelles commissions départementales d’aménagement commercial) dès lors que la dominante alimentaire du magasin reste inchangée ; absence d’impact de la présence de caisses et de personnels spécifiques à la parapharmacie. Il en tire la conclusion que la création de cet espace parapharmaceutique au sein de l’extension autorisée ne nécessitait pas de nouvelle autorisation et annule l’arrêt du tribunal administratif.
Conseil d’Etat 3 septembre 2009, n°318980, SASU l’Immobilière Groupe Casino
Document joint : cen318980.rtf