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Publié le 4 Juil 2021

Divisibilité de la clause d’indexation réputée non écrite

Par cette décision, la Cour de Cassation indique, d’une part, que l’action en réputation non écrite de la clause d’indexation est imprescriptible, et d’autre part, que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite lorsqu’elle est dissociable.

En l’espèce, à compter du 1er mai 2009, le bailleur a donné à bail à un locataire des locaux à usage commercial.

« Le contrat comporte une clause d’indexation annuelle stipulant que l’indexation ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse en ces termes:

Le loyer et le dépôt de garantie seront révisés de plein droit chaque année à la date anniversaire de la prise d’effet du bail suivant la variation de l’indice du coût de la construction publié trimestriellement par l’Insee, sans l’accomplissement d’aucune formalité judiciaire ou extrajudiciaire, et ce pour la première fois le 1er mai 2010.

L’indice de base retenu sera celui du 3ème trimestre 2008, soit 1.594, l’indice de comparaison celui du 3ème trimestre correspondant de chacune des années suivantes. L’augmentation en résultant sera applicable dès le 1er mai de chaque année. Cette indexation ne s’effectuera que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de ce dernier indice.

Par dérogation à cet article, les parties conviennent que cette augmentation annuelle n’excédera pas 3’% par an, cette disposition ne s’appliquant que pour les trois premières années du bail. A compter de la 4ème année, l’indexation s’appliquera sans limite de plafond. (…) »

Le 23 septembre 2016, la locataire a assigné son bailleur aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et de la voir condamner à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l’indu pour la période s’étendant du premier trimestre 2011 au deuxième trimestre 2016.

Deux questions se sont alors posées: d’une part, la prescription de l’action, et d’autre part, la réputation non écrite de l’indexation en son entier.

1- Sur la prescription de l’action

Pour mémoire, l’article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405).

L’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est donc pas soumise à prescription (même arrêt).

2- Sur la réputation non écrite de la clause d’indexation

Selon la Cour de Cassation, aux termes de l’article L. 145-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

D’une part, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, fausse le jeu normal de l’indexation (Cour de CAssation, 3ème Chambre Civile, 14 janvier 2016, n° 14-24.681).

D’autre part, la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu’il résulterait de l’évolution réelle de l’indice.

La cour d’appel a relevé que la clause d’indexation excluait, dans son deuxième alinéa, toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice.

Il s’ensuit que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite.

Vu l’article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

Pour réputer non écrite la clause en son entier, l’arrêt retient que seule la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 6 du contrat de bail contrevient aux dispositions légales, que cependant l’alinéa 3 de la clause relative à la limitation de l’augmentation ne s’explique qu’au vu de l’absence de réciprocité de la variation, que, pour autant, il n’y a pas lieu de réputer non écrit également cet alinéa car la limitation qu’il prévoit n’est nullement prohibée et qu’il en résulte que la clause d’indexation est indivisible.

En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’indivisibilité, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 30 juin 2021 n°19-23.038

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