Le préempteur ne peut se voir conférer des conditions et modalités de réalisation plus favorables que celles de la cession projetée.
Un indivisaire notifie à l’autre son projet de vendre ses droits indivis à une personne étrangère à l’indivision. S’ensuit l’exercice du droit de préemption… Mais non la réalisation de la vente dans les délais prescrits par l’article 815-14 du code civil, buttant sur une condition particulière que le préempteur entendait insérer (condition suspensive d’octroi d’un prêt). L’acte authentique est ainsi, et finalement, signé avec la personne qui se proposait d’acquérir.
L’acquéreur constate divers désordres dans le bien en indivision et se tourne vers l’indivisaire (celui qui a perdu son droit de préemption et qui se trouve à présent en indivision avec l’acquéreur des droits indivis) à l’effet qu’il supporte la moitié des travaux de restauration de la charpente. Ce dernier, pour s’y opposer, soulève sans succès la nullité de la cession intervenue arguant que l’acte de cession des droits indivis n’était pas valable.
La Cour de cassation juge que la déclaration de préemption, contenant une condition particulière, était nulle. L’espèce touche l’une des exigences de fond du droit de préemption : le préempteur achète aux conditions du contrat initial (Civ. 3e, 1er mars 1989, Bull. civ. III, n° 56).
L’article 815-14, alinéa 2, du code civil renvoie « aux prix et conditions » qui ont été notifiées par le cédant au bénéficiaire du droit de préemption (Civ. 1re, 9 oct. 1991, D. 1992. Jur. 421, note O. Barret ; RTD civ. 1992. 613, obs. J. Patarin ). Le bénéficiaire du droit de préemption n’avait pas soumis à son coïndivisaire un acte conforme aux conditions de la vente qui lui avait été notifiée puisqu’il entendait stipuler une condition d’octroi d’un prêt non prévue dans l’offre initiale.
Nous observerons à titre de comparaison que l’article 10, I, alinéa 2, de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation permet au locataire d’indiquer dans son acceptation qu’il entend recourir à un prêt. Dans cette hypothèse, l’acceptation est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation est porté à quatre mois.
Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 18 janv. 2012 n° 10-28311