Dès lors que le bailleur est en possession d’une décision de référé prononçant la résiliation du bail commercial et ordonnant l’expulsion du locataire, et ce nonobstant appel, il peut expulser le preneur qui bénéficierait d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire postérieure.
En d’autres termes plus juridique, l’expulsion ne constitue pas une voie d’exécution sur les meubles ou immeubles mais une mesure d’expulsion s’exerçant sur la personne de telle sorte que l’ouverture d’une procédure collective qui entraîne l’arrêt des poursuites et des mesures d’exécution prévues en application de l’article L. 622-21 du Code de commerce ne peut faire obstacle à une mesure d’expulsion.
En effet, pour mémoire, Il résulte des articles L 622-17 et L 622-21 du Code de Commerce:
- d’une part que le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement et tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent tel n’est pas le cas en l’espèce s’agissant de la poursuite de l’expulsion alors que la clause résolutoire avait produit son effet dès le 1er septembre 2019 , soit avant le jugement d’ouverture en date du 31 mai 2022.
- d’autre part, que le jugement d’ouverture arrête ou interdit également toute voie d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.
En l’espèce, suivant acte sous seing privé du 16 février 2017, la SCI C , aux droits de laquelle vient la SAS F, a donné à bail à la SARL P un local commercial à compter du 1er février 2017, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 42.000 euros.
Par ordonnance du 8 juin 2021, assortie de plein droit de l’exécution provisoire le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a entre autres :
- constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties au 1er septembre 2019
- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la SARL P ou de tous occupants de son chef des locaux
Le 3 août 2021, le bailleur a fait signifier cette ordonnance à M. [D], et le 9 août 2021 au preneur, lesquels en avaient déjà interjeté appel le 23 juillet 2021.
Par acte d’huissier en date du 11 août 2021, au visa de l’ordonnance de référé, le Bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de quitter les lieux et une tentative d’expulsion a eu lieu le 23 août 2021.
Par ordonnance rendue le 16 septembre 2021, à la requête du preneur, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ordonné une mesure de conciliation pour une durée de 4 mois afin de tenter de parvenir un accord avec le bailleur.
Suivant ordonnance du 18 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a interdit au bailleur toute mesure d’exécution sur le fondement de l’ordonnance de référé du 8 juin 2021 et ce, jusqu’au terme de la mission du conciliateur.
Par acte du 24 novembre 2021, le bailleur a fait assigner le preneur devant le 1er président de la cour d’appel de Versailles aux fins de radiation de l’instance d’appel en raison de l’inexécution de l’ordonnance de référé du 8 juin 2021. Demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé du 27 janvier 2022..
Le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion a été accordé au bailleur le 16 mai 2022.
Le 25 mai 2022, le preneur a déclaré être en cessation des paiements et, suivant jugement du 31 mai 2022, le tribunal de commerce de Nanterre l’a placée en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er décembre 2020.
La SELARL Le Baze [R] a été désignée en qualité d’administrateur judiciaire avec pour mission, outre les pouvoirs conférés par la loi, d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion.
Le bailleur a déclaré sa créance à la procédure collective le 27 juillet 2022 à hauteur de la somme de 69 803,39 euros.
Par acte du 22 août 2022, le bailleur a fait procéder à l’expulsion du preneur, en changeant les serrures.
Le Preneur a alors assigné son bailleur à bref délai, suivant acte du 8 septembre 2022, pour obtenir la mainlevée immédiate de l’expulsion et ordonner sa réintégration dans le local.
Le jugement contradictoire du juge de l’exécution de Nanterre en date du 9 décembre 2022 a débouté la SARL PEAMS de l’ensemble de ses demandes
Le preneur a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 22 décembre 2022.
La Cour d’appel a alors confirmé la décision du Juge de l’Exécution.
Comme relevé à juste titre par le premier juge une ordonnance du juge des référés est assortie de plein droit de l’exécution provisoire et ce malgré l’absence d’autorité de la chose jugée au principal de cette décision.
L’ordonnance du 8 juin 2021 susvisée, en exécution de laquelle l’expulsion contestée est poursuivie, a notamment constaté le jeu de la clause résolutoire, ordonné l’expulsion de du preneur et n’a pas fait droit à la demande de délais suspensifs d’exécution.
Cette décision a été régulièrement signifiée le 9 août 2021 au preneur.
Elle peut par conséquent être exécutée malgré l’appel relevé par l’appelante, recours ayant au surplus fait l’objet d’une radiation.
En effet, au visa des textes ci-avant rappelé, la cour d’appel affirme que l’expulsion ne constitue pas une voie d’exécution sur les meubles ou immeubles mais une mesure d’expulsion s’exerçant sur la personne de telle sorte que l’ouverture d’une procédure collective qui entraîne l’arrêt des poursuites et des mesures d’exécution prévues en application de cet article ne peut faire obstacle à une mesure d’expulsion.
Il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner la mainlevée de l’expulsion du preneur.
Cour d’appel, Versailles, 16e chambre, 21 Septembre 2023 n°22/07703