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Publié le 8 Oct 2009

Garantie décennale et propriétaires successifs

La décision de la Cour de Cassation pourrait être résumé de la manière suivante: les acquéreurs successifs d’un immeuble peuvent agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, accessoire de l’immeuble.

En l’espèce, une société civile immobilière a fait édifier des immeubles par des constructeurs, assurés auprès d’une société d’assurance. Les opérations de réception ont respectivement eu lieu les 20 août 1987, 15 décembre 1988 et 9 mai 1989. Les immeubles ont été ensuite vendus à une autre société civile immobilière par actes des 26 mai 1998 et 18 septembre 1999. Le nouvel acquéreur a assigné le 22 août 2002, le maître d’œuvre et son assureur en réparation de désordres ayant fait l’objet de déclarations de sinistre le 13 février 1991 et en décembre 1997. L’assureur du maître d’œuvre a conclu à l’irrecevabilité de la demande pour défaut de droit d’agir et prescription, qui sont les deux points dont les juges ont eu à connaître.

Par jugement en date du 20 mai 2005, le tribunal, après avoir déclaré irrecevables les exceptions soulevées, tirées de la prescription de la garantie décennale et du défaut de mise en cause des constructeurs, a débouté la société civile immobilière de sa demande en considérant que l’action en garantie décennale ne lui avait pas été transmise, s’agissant des désordres déjà constatés, faute de clause expresse en ce sens dans les actes de vente.

La société civile immobilière a donc régulièrement interjeté appel de ce jugement le 15 juin 2006.

La Cour de cassation a suivi la cour d’appel d’Orléans (Orléans 14 mai 2007, n° 06-01737) en décidant que  » les acquéreurs successifs d’un immeuble sont recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu’accessoire, l’immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui-ci lors de la signature de l’acte de vente et l’absence, dans ce dernier, de clause leur réservant un tel recours à moins que le vendeur ne puisse invoquer un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir « .

Ainsi, la Cour reprend une jurisprudence qui admettait déjà que l’action en responsabilité pourra être exercée soit par le maître de l’ouvrage, soit par ses acquéreurs successifs, et ce, malgré la connaissance par ces acquéreurs des vices de l’ouvrage, lors de la signature de l’acte de vente et en l’absence, dans ce dernier cas, de clause prévoyant un tel recours (Civ. 3e, 28 oct. 1975, Bull. civ. III, n° 311).

De plus, comme le fait remarquer très justement la Cour de Cassation, les garanties se transmettent donc comme un accessoire de la chose vendue et l’acquéreur peut avoir une pluralité de garants, les constructeurs, et le vendeur tenu à garantie, et ce même si l’acquéreur a connaissance des vices affectant l’ouvrage (Civ. 3e, 28 févr. 2001, Bull. civ. III, n° 23 ; Defrénois 2002. 62, obs. Périnet-Marquet ; RCA 2001, n° 155, note Groutel ; RDI 2001. 256, obs. Malinvaud).

Cette solution donne une légitimité au mécanisme de l’assurance construction qui vise à protéger le propriétaire d’un ouvrage contre les risques que celui-ci encourt. Le paiement de l’assurance justifiant à lui seul la mise en œuvre de la garantie sans pour autant que la connaissance des vices de l’ouvrage par le propriétaire puisse rendre cette mise en œuvre caduque.

Toutefois, l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans est partiellement cassé et renvoyé sur le point de la prescription de la garantie décennale. En effet, même si des expertises ont été effectuées et des courriers échangés entre la société civile immobilière et l’assureur, la Cour de cassation considère que ces actes n’ont pas eu pour effet de suspendre le délai de la garantie décennale.

La Cour a retenu deux critères cumulatifs pour justifier sa position :

certains actes sont postérieurs à l’expiration du délai de garantie décennale ; et

le caractère incertain et équivoque de la reconnaissance du droit à réparation de la société civile immobilière.

La Cour d’appel de renvoi devra trancher.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 23 septembre 2009 n°08-13470

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