En matière de calcul du droit au bail commercial, la Cour d’appel de Paris associe au calcul habituel basé sur le différentiel (économie de loyer) entre valeur locative de marché et la valeur locative renouvellement, l’impact pécuniaire du lissage de l’augmentation de loyer de 10% par an issu de la loi dite Pinel, du 18 juin 2014.
Pour mémoire, la valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d’usage d’appliquer un coefficient de capitalisation en fonction de l’attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.
Il conviendra donc d’apprécier quel aurait été le montant du loyer si celui-ci avait été renouvelé et notamment s’il aurait été susceptible d’être déplafonné.
L’article L. 145-34 alinéa 1 dispose qu’à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 (caractéristiques du local considéré ; destination des lieux ; obligations respectives des parties ; facteurs locaux de commercialité), le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
S’agissant des facteurs locaux de commercialité visés à l’article L. 145-33, 4°, l’article R. 145-6 du code de commerce précise que ceux-ci dépendent principalement de l’intérêt que représente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
Il appartient enfin à la partie qui se prévaut d’une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, il ressort de l’ensemble des éléments du dossier une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur le fonds concerné pendant la durée du bail échu. Il a donc été considéré qu’en cas de renouvellement le loyer aurait été déplafonné.
Dans une telle hypothèse, si le loyer du bail renouvelé est supérieur au dernier loyer acquitté, le loyer de l’année N du bail renouvelé ne peut excéder 110% du loyer acquitté l’année N-1, instaurant ainsi des « paliers » jusqu’à atteindre la valeur locative, ce qui a pour effet de générer une économie de loyer au bénéfice du locataire, cette économie devant être annuellement actualisée et s’ajouter à la valeur initiale du droit au bail.
Ainsi, en l’espèce, une économie de loyer apparait entre la valeur locative de marché et la valeur locative de renouvellement, estimées respectivement à 187.000 € – 121.600 € (loyer déplafonné) = 65.400 € x coefficient de commercialité de 7, soit une valeur du droit au bail de 457.800 €.
La Cour d’appel y associé une « survaleur » de 213.390 €, soit l’économie que réaliserait le preneur en cas de déplafonnement de son loyer de renouvellement, ce dernier n’étant pleinement atteint qu’au terme de 7 années. Cette économie est enfin actualisée sur la base d’un taux de 5%.
Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 30 Novembre 2022 – n° 20/02478