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Publié le 28 Nov 2010

Inopposabilité du procès verbal de réception aux acquéreurs

La réception des travaux résultant de l’acte passé entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs, la participation des acquéreurs à cette réception n’a aucun effet juridique.

En pratique, le contrat de vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement est souvent concomitant aux contrats de louage d’ouvrage nécessaires à l’édification de l’immeuble vendu, et la livraison à l’acquéreur suit de peu la réception. Bien que l’acquéreur acquière la propriété au fur et à mesure de l’exécution des travaux, le vendeur conserve la qualité de maître d’ouvrage jusqu’à la réception (V. art. 1601-3 c. civ.). Cela signifie que jusqu’à cette date, l’acquéreur n’intervient pas dans les opérations de construction. Ainsi, il ne peut être autorisé à réaliser des travaux préconisés par les experts suite à ses réserves, même s’il est entré en possession des lieux avant la réception (Civ. 3e, 22 nov. 1989, RDI 1990. 500, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary-Houin ). Par ailleurs, l’acquéreur reste un tiers à la réception, même si cet acte constitue le point de départ de délais de prescription pour les garanties légales des vendeurs d’immeuble à construire. La Cour de cassation en déduit justement que « la réception des travaux au sens de l’article 1642-1 du code civil résulte de l’acte passé entre le maître d’ouvrage et les constructeurs, et ne concerne pas les rapports entre le vendeur et les acquéreurs«  (Civ. 3e, 18 juin 2003, RDI 2003. 346, obs. B. Boubli).

Par conséquent, le contenu du procès-verbal de réception n’est pas opposable aux acquéreurs, lesquels peuvent agir contre le vendeur pour des non-conformités apparentes qu’il n’a pas réservées. La réception des travaux prononcée sans réserve par le promoteur vendeur en état futur d’achèvement est sans effet sur l’obligation de ce vendeur à livrer un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles (V. Civ. 3e, 4 juin 2009, D. 2009. AJ 1611 ; RDI 2009. 474, obs. O. Tournafond ; Civ. 3e, 8 sept. 2010, RDI 2010. 559, obs. O. Tournafond). Peu importe que les défauts de conformité soient apparents ou non lors de la réception (V. Civ. 3e, 3 déc. 1997, RDI 1998. 270, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary-Houin).

Ce principe s’applique également lorsque les acquéreurs ont assisté aux opérations de réception. Leur présence est dépourvue de toute valeur juridique. Tout au plus joue-t-elle « un rôle psychologique » (Malinvaud, Jestaz, Jourdain et Tournafond, Droit de la promotion immobilière, 8e éd., Dalloz, 2009, spéc. n° 342).

Par deux arrêts successifs concernant la même affaire, la Cour de cassation vient de préciser qu’il est aussi indifférent que les acquéreurs aient signé le procès-verbal de réception (Civ. 3e, 8 sept. 2010, préc.).

En l’espèce, une société civile immobilière avait fait édifier et vendu en l’état futur d’achèvement un ensemble de cinq bâtiments placés ensuite sous le statut de la copropriété. Outre des malfaçons dont l’extension a nécessité trois expertises successives, les acquéreurs représentés par le syndicat de copropriété entendaient obtenir réparation pour diverses non-conformités. Ils se plaignaient de la position du transformateur et de l’absence de places de stationnement, ce qui représentait une non-conformité. Pour faire échec à cette demande, il leur est opposé que le syndicat de copropriété avait signé le procès-verbal de réception sans formuler de réserves sur ces points.

La cour d’appel en déduit qu’en raison de leur caractère apparent, ces non-conformités étaient réputées avoir été acceptées par les acquéreurs. Il est vrai, qu’aucune forme n’étant prévue pour la livraison, rien n’empêchait a priori qu’elle soit couplée à la réception. Cependant, seul le maître de l’ouvrage a qualité pour réceptionner les travaux. Or, cette qualité appartient à ce stade au vendeur. C’est pourquoi l’arrêt d’appel est censuré par la Cour de cassation qui reprend et complète une formulation déjà énoncée selon laquelle « la réception des travaux au sens de l’article 1642-1 du code civil résulte de l’acte passé entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs et que la participation des acquéreurs à cette réception n’a aucun effet juridique » (huitième moyen).

Cette solution est protectrice pour l’acquéreur, lequel pourrait calquer ses observations sur celles du vendeur et ne pas émettre des réserves que ce dernier, professionnel, ne soulève pas.

Par ailleurs, cette solution respecte les dispositions de l’article 1642-1 du code civil dans sa nouvelle rédaction issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 dite loi MOLLE (Becqué-Ickowicz, Clair-obscur sur les défauts de conformité apparents dans la vente d’immeuble à construire, RDI 2009. 448). En effet, le régime des non-conformités apparentes a été aligné sur celui des vices apparents. L’article 1642-1 du code civil prévoit désormais que le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni après l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des défauts de non-conformité. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2009, l’absence de réserves sur des non-conformités lors de la réception ne peut donc plus exonérer le vendeur, à moins que l’acquéreur n’ait pris possession des lieux au moins un mois avant la réception. Cette disposition étant d’ordre public, elle devrait s’appliquer aux contrats en cours.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 4 novembre 2010, n° 09-70235

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