Appliquant le principe de précaution, le tribunal de grande instance de Créteil fait, à la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble voisin, défense à un opérateur de téléphonie mobile, d’installer une antenne relais.
Pour deux raisons au moins, cette décision n’avait aucune chance de passer inaperçue. Pour la première fois, en effet, non seulement un opérateur de téléphonie mobile se voit interdire l’installation d’une antenne relais dans la capitale mais, de surcroît, parmi les demandeurs à l’action, figurait le syndicat des copropriétaires de l’immeuble voisin. Plus précisément, alors que la société Orange s’apprêtait à installer une station de radio communication sur la toiture-terrasse d’un hôtel situé dans le 13e arrondissement de Paris, deux occupants de l’immeuble voisin, bientôt suivis par le syndicat des copropriétaires ont, au nom du principe de précaution, saisi le juge des référés aux fins d’interdire l’installation. Il n’est pas inutile de mentionner que l’appartement le plus proche était distant de quinze petits mètres de la station de radio, laquelle comprenait un mât de 1,70 mètre avec une antenne et un mât de deux mètres avec deux antennes.
Pour sa défense, l’opérateur a fait principalement valoir que le principe de précaution relève du domaine exclusif de la loi et du règlement, sans pouvoir être appliqué par les juridictions de l’ordre judiciaire. La société défenderesse a par ailleurs mentionné le défaut de qualité et d’intérêt à agir du syndicat des copropriétaires. Enfin, à titre subsidiaire (ordonnance, p. 3), le défendeur a estimé que les requérants n’apportaient pas la preuve de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite.
Sur le premier point (application du principe de précaution par les magistrats), le tribunal précise qu’il appartient au juge judiciaire de faire respecter le principe mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, traduction du devoir de prudence, qui s’impose à tout sujet de droit.
Quant à la qualité et à l’intérêt à agir du syndicat des copropriétaires, ils ne faisaient pas de doute puisque, ainsi que le relève le tribunal, selon l’article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes. On ajoutera que la dimension collective du préjudice, condition indispensable à la recevabilité de la demande du syndicat, qui découle de l’article 15 de la loi de 1965 et qui, étonnamment, n’a pas été relevée par les magistrats, ne faisait pas de doute .
Pour le tribunal, le trouble manifestement illicite que le comportement d’Orange occasionne aux riverains est suffisamment attesté par le fait que l’opérateur a pris le risque de causer des dommages à leur santé.
Selon les magistrats il y a en effet bel et bien risque, puisque, « même si les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de déterminer avec certitude l’impact exact des ondes électromagnétiques lorsqu’elles traversent les parties communes de l’immeuble, il existe un risque qui ne peut être négligé de répercussion de ces ondes sur l’état sanitaire des habitants se trouvant à l’intérieur de l’immeuble« .
En conséquence, il est fait interdiction – sous astreinte – à l’opérateur (qui a d’ores et déjà fait appel de la décision) de procéder à l’installation envisagée.
Cette solution n’est pas sans rappeler cet autre contentieux qui concernait un immeuble situé dans la région lyonnaise et au terme duquel, appliquant également le principe de précaution, le juge avait ordonné le démantèlement de l’antenne relais installée sur la propriété voisine de l’habitation du demandeur (Décisions en ce sens TGI et Cour d’appel).
Tribunal de Grande Instance de Créteil, référé, 11 août 2009 n°09/000658