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Publié le 8 Mar 2015

L’action in rem verso et la rémunération de l’agent immobilier

La possibilité de recourir à la qualification d’enrichissement sans cause pour asseoir le droit à rémunération ou à indemnisation de l’agent immobilier intervenu sans mandat écrit pré-délivré par l’une des parties à l’opération litigieuse est déclarée incompatible avec les dispositions impératives et incontournables de la loi de 1970 et du décret de 1972.

En d’autres termes, les règles de l’enrichissement sans cause ne peuvent tenir en échec les dispositions d’ordre public des articles 6-I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Ces dispositions subordonnent la licéité de l’intervention d’un agent immobilier dans toute opération immobilière et, partant, son droit à rémunération comme à indemnisation à la détention d’un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties à l’opération.

Il s’ensuit que doit être cassé l’arrêt ayant condamné l’acquéreur d’un terrain à payer à un agent immobilier une somme sur le fondement de in rem verso alors que ce dernier ne détenait aucun mandat écrit préalablement délivré par l’une des parties à l’opération.

En l’espèce, un mandat de recherche non exclusif a été donné par la société P….. (ultérieurement devenue la société Kaufman et Broad Pyrénées) à la société C….. (agence immobilière) et sur la base duquel cette dernière a pu présenter à la première un terrain constructible conforme aux caractéristiques convenues avant de rédiger un projet d’acte de vente qui allait, finalement, rester lettre morte.
Ainsi privée de droit à rémunération faute de la signature d’un acte, l’agence immobilière a appris qu’une tierce personne, la société F… à laquelle « l’affaire » avait été présentée et transmise par son ancien mandant (la société Kaufman et Broad Pyrénées), avait ultérieurement acheté le terrain considéré, sans intermédiaire, aux prix et conditions du projet qu’elle avait établi.

Se prévalant alors, principalement, d’un accord autonome de reprise par cet acquéreur des engagements du mandant et, subsidiairement, de l’enrichissement sans cause, l’intermédiaire immobilier avait assigné ledit acquéreur en paiement de ses prestations de recherche et de négociation.

La cour d’appel de Toulouse a alors condamné l’acheteur du terrain à payer à l’agence immobilière la somme de 50 000 € sur le fondement de l’action de in rem verso au motif que « l’exercice de cette action, seul moyen juridique dont l’agent immobilier dispose pour obtenir de la société F… la rémunération de son travail, n’a pas vocation à contourner les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 puisque les parties ne pouvaient pas être liées par un mandat, le bénéfice que l’acquéreur a tiré gratuitement du travail de l’agent immobilier lui ayant été transmis par un tiers, la société Kaufman et Broad Pyrénées ».

Mais, interrogée suite à un pourvoi sur la question de savoir si la théorie de l’enrichissement sans cause pouvait ainsi permettre à un agent immobilier dépourvu de mandat ou de mandat valable d’obtenir une « compensation financière » de la part d’une tierce personne qui aurait bénéficié de ses diligences sans bourse délier, la première chambre civile va répondre par la négative en formulant le principe suivant : il résulte de la combinaison de l’article 1371 du code civil et, ensemble, des articles 6-I de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 que « les règles de l’enrichissement sans cause ne peuvent tenir en échec les dispositions d’ordre public de ces deux derniers textes, lesquels subordonnent la licéité de l’intervention d’un agent immobilier dans toute opération immobilière et, partant, son droit à rémunération comme à indemnisation, à la détention d’un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties à l’opération »
Voici un florilège de jurisprudence sur la privation de tout droit à rémunération ou à indemnisation, V. Civ. 1re, 28 juin 1988, préc. ; 19 juill. 1988, Bull. civ. I, n° 241 ; RDI 1989. 67, obs. D. Tomasin ; 6 mars 2001, n° 98-16.826, Bull. civ. I, n° 52, AJDI 2001. 639 ; ibid. 919, obs. M. Thioye ; 2 oct. 2001, n° 99-13.961, AJDI 2002. 156, obs. M. Thioye ; 15 mai 2002, n° 00-14.107, AJDI 2002. 552 ; 15 mai 2002, n° 00-13.247, AJDI 2002. 552 ; 15 mai 2002, n° 00-14.897, AJDI 2002. 552 ; 25 juin 2002, n° 00-12.061, AJDI 2003. 370, obs. M. Thioye ; Paris, 12 sept. 2002, n° 2001/04546, AJDI 2003. 455, obs. M. Thioye ; 3 févr. 2004, n° 01-17.763, Bull. civ. I, n° 2, D. 2004. 467Document InterRevues ; AJDI 2004. 484, obs. M. Thioye ; RTD com. 2004. 587, obs. B. BoulocDocument InterRevues ; 12 mai 2004, n° 03-13.977, AJDI 2004. 909, obs. M. Thioye ; 13 juill. 2004, n° 02-10.991, AJDI 2005. 325, obs. M. Thioye ; 25 janv. 2005, n° 02-10.764, AJDI 2005. 756, obs. M. Thioye ; 20 mars 2007, n° 06-12.770, AJDI 2007. 766, obs. M. Thioye ; 2 oct. 2007, n° 05-18.706, Bull. civ. I, n° 312, D. 2007. 2608Document InterRevues ; AJDI 2008. 611, obs. M. Thioye; 8 oct. 2009, n° 08-14.968, AJDI 2010. 406, obs. M. Thioye).

Autrement dit, la possibilité de recourir à la qualification d’enrichissement sans cause pour asseoir le droit à rémunération ou à indemnisation de l’agent immobilier intervenu sans mandat écrit pré-délivré par l’une des parties à l’opération litigieuse est, selon la même politique suivie à propos de la gestion d’affaires, purement et simplement déclarée incompatible avec les dispositions impératives et incontournables de la loi de 1970 et du décret de 1972.

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 18 juin 2014 n° 13-13553

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