Un lecteur attentif de notre newsletter et passionné par les baux commerciaux a attiré notre attention sur une jurisprudence qui a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit d’une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris ayant abouti à réputer non écrite une clause d’échelle mobile plus communément appeler clause d’indexation annuelle. A sa lecture, nombre de baux peuvent être concernés…..
En effet, nombre de baux commerciaux comportent une clause d’indexation ou une clause d’échelle mobile. Mais certaines de ces clauses mal rédigée sont susceptibles de contrevenir à des dispositions d’ordre public entrainant la non application de la clause.
Cette jurisprudence est d’autant plus importante qu’elle pourrait bien être le vivier de nouvelles négociations entre le preneur et le bailleur, voir de contentieux.
Voici donc le contenu de la boîte de pandore.
Il résulte de l’article L 112-1 du Code Monétaire et financier que « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »
Ce texte interdit implicitement la prise en considération d’un indice immuable qui implique d’ailleurs que le loyer initial du bail constitue l’assiette de calcul permanente de chaque réajustement du loyer pendant toute la durée de celui-ci, tout en excluant que la clause d’échelle mobile puisse s’appliquer à l’occasion du renouvellement d’un bail dès lors qu’un nouveau prix serait convenu prenant effet à cette occasion.
En présence d’une telle clause, la variation indicielle est de quatre trimestres la première année, huit trimestres la second année, douze trimestres la troisième année et ainsi de suite. La clause est alors susceptible d’être réputée non écrite à tout moment.
En l’espèce, dès la conclusion du bail, le 19 mai 1998, la rédaction de la clause d’indexation appelait les plus expresses réserves, puisque l’indice de base retenu était celui du quatrième trimestre 1997 pour une prise d’effet au 1er mars 1999.
Un avenant du 1er mars 2000, découlant d’une adjonction de locaux, avait modulé par paliers l’augmentation du loyer sur trois périodes, le dernier palier s’appliquant du 1er mars 2002 au 28 février 2003 : c’est ce loyer (670 775,67 €) qui devait être révisé au 1er mars 2003, puis ultérieurement chaque année, en prenant pour référence non une variation de quatre trimestres, mais l’indice initialement convenu dans le bail, soit celui du quatrième trimestre 1997.
Ainsi, le choix de l’indice du 4ème trimestre 1997 comme unique indice de référence conduit immanquablement à ce que la période de variation entre cet indice et celui de revalorisation soit supérieure à la durée annuelle devant s’écouler entre chaque révision. La clause d’indexation doit être déclarée non écrite.
Le Tribunal a qualifiée cette clause comme devant être réputée comme non écrite. En effet, s’agissant de dispositions d’ordre public, le Tribunal souligne à juste titre que la règle édictée à l’article L. 112-1 relève d’un ordre public de direction et que la volonté des parties, telle que manifestée explicitement par l’avenant du 1er mars 2000, ne pouvait faire échec à une telle disposition avec les conséquences qui en découlent au titre de la sanction qui conduit à déclarer non écrite la clause litigieuse.
Le Tribunal a également condamné le bailleur à restituer le trop-perçu découlant de la perception de loyer majoré par une clause d’échelle mobile illicite, et comme telle réputée non écrite selon la sanction explicitement prévue par la loi.
On peut ici légitimement s’interroger sur le sort du bail.
En effet, les parties ont convenu que la clause litigieuse était essentielle et déterminante et que seule l’inexécution pour quelque motif que ce soit entraînerait de plein droit la résiliation du bail. Si l’on respecte la volonté des parties, par la disparition de cette clause, le bail aurait du être résilié.
Que neni, c’est une grave erreur de rédaction ! Il convient de rappeler que l’article L 112-1 du Code Monétaire et Financier sanctionne le défaut de respect de ses dispositions en réputant non écrite la clause.
Les parties ne peuvent donc pas aller au-delà de la sanction prévue par la loi. Et surtout, soumettre l’existence d’un bail à la validité d’une clause qui par sa rédaction est contraire à l’Ordre Public. Cela entrainerait une insécurité juridique.
Le raisonnement du Tribunal doit être juridiquement approuvé. Le bailleur a bien évidemment fait appel de la décision.
Nous ne manquerons pas d’en rapporter le résultat.
Tribunal de Grande Instance de Paris 18ème Chambre, 2ème Section, 27 mai 2010 n°09/09345.