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Publié le 24 Mai 2015

Les clauses d’indexation ne variant qu’à la hausse doivent être réputées non écrites ?

La cour d’appel de Versailles, d’une part, répute non écrite la partie d’une clause d’indexation précisant que le loyer ne pourra varier qu’à la hausse, mais d’autre part, la valide pour le reste opérant seulement une régularisation d’application de la clause à compter du jour où le loyer aurait du baisser sans annuler dans sa totalité ladite clause.

En l’espèce, la clause d’indexation stipulée au bail prévoyait que le loyer était indexé en fonction de la variation de l’indice officiel du coût de la construction tel que publié trimestriellement par l’INSEE, et que cette indexation était appliquée annuellement, automatiquement et de plein droit le 1er janvier de chaque année.

La clause précisait que la variation de l’indice de référence choisi était prise en considération aussi bien dans le cas de hausse que dans le cas de baisse de l’indice, mais que « l’application de la présente clause d’indexation ne doit en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur à celui précédemment facturé ». La clause prévoyait une révision du loyer à la hausse comme à la baisse, mais stipulait un loyer plancher qui ne pouvait être inférieur à celui précédemment facturé. La clause ne pouvait en pratique que varier à la hausse.

En conséquence de quoi, le preneur soutenait qu’une telle clause était nulle, d’une part, parce qu’elle s’affranchissait de la réciprocité posée à l’article L. 145-39 du Code de commerce, d’autre part, parce qu’elle contrevenait aux dispositions de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, tous deux étant des textes d’ordre public.

Au regard de l’article L. 145-39 du Code de commerce, les juges versaillais estiment que la clause n’est pas valable.

En effet, l’article 7 du bail commercial relatif au loyer, prévoyait un loyer annuel de base fixé à 160 000 euros HT soit 40 000 euros par trimestre.

Or, ce loyer étant fixe, il ne pouvait résulter de la clause d’indexation ci-dessus qu’une application à la hausse de l’indice. L’indice aboutissait ainsi à exclure la réciprocité puisque le loyer ne pouvait qu’augmenter si l’indice était à la hausse, ou rester stable si l’indice était à la baisse.

Pour les juges du fond, cet indice est contraire à l’article L. 145-39 précité en ce qu’il paralyse le fonctionnement de ce texte d’ordre public puisque le loyer ne peut pas se trouver diminué.

Mais les juges du fond considèrent que la même clause n’est pas contraire à l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier puisque la variation de l’indice était toujours annuelle, ce qui correspondait à la période de révision stipulée au bail. Ils en concluent que cette stipulation doit donc seulement être déclarée non écrite en ce qu’elle interdit la variation à la baisse.

Concrètement, le loyer est recalculé non pas depuis l’origine du bail mais depuis la première année où il aurait dû permettre de revoir le loyer à la baisse, soit le 1er janvier 2010.

Ainsi, le loyer pour l’année 2010 aurait dû s’élever à 187 837 euros, celui de l’année 2011 à la somme de 190 219,44 euros, celui de 2012 à celle de 199 749,20 euros, d’où un trop perçu de 8 025 euros en 2010, de 5 640,56 euros en 2011 et aucun trop perçu en 2012, et un remboursement du preneur par le bailleur à concurrence de 13 665,56 euros représentant le trop perçu dû à la fin de l’année 2012.

Pour la première fois à notre connaissance une clause d’indexation est réputée non écrite pour sa partie interdisant une variation, la clause d’indexation ne variant qu’à la hausse est réputée non écrite sur le fondement de l’article L 145-39 du Code de Commerce, mais reste valable au regard de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier relatif à la variation indiciaire qui doit être calquée sur la périodicité de la clause.

Concernant la validité des clauses d’échelle mobile ne variant qu’à la hausse, nos cours d’appel sont partagées. Pour certaines elles sont valables, pour d’autres elles ne le sont pas. Les juges de Douai, Colmar et Aix-en-Provence ont ainsi pu estimer qu’elles étaient valables (CA Douai, 2e ch., 2e sect., 21 janv. 2010, RG n° 08/08568; CA Colmar, 1re ch. civ., sect. B, 4 juill. 2012, RG n° 11/02844, ; CA Aix-en-Provence, 11e ch., sect. A, 15 mars 2013, n° 2013/150); les juges de Paris l’ont réputée non écrite (Cour d’appel de Paris, 2 juillet 2014 n° 12/14759; TGI Paris, 18e ch., 2e sect., 13 févr. 2014, n° 12/00515; :doit être réputée non écrite une clause d’indexation prévoyant que son application ne peut avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédent la révision. La juridiction parisienne a considéré que ce type de clause créait une distorsion prohibée puisque, en cas de baisse de l’indice, le loyer étant maintenu au loyer précédemment en vigueur, la durée s’écoulant entre les dates de modification du loyer serait nécessairement plus longue que celle de la variation des indices).

La Cour de cassation, dans une très ancienne décision a jugé qu’en principe des clauses d’indexation ne variant qu’à la hausse n’étaient pas valables (Cass. com., 15 nov. 1950 : D. 1951, p. 21).

Personnellement, nous considérons que les clauses d’indexation ne variant qu’à la hausse ne sont pas valables et ne doivent pas être annulé en partie mais dans leur intégralité. En effet, une variation c’est autant à la hausse qu’à la baisse nous semble-t-il, sinon ce n’est pas une variation, sinon ce n’est pas une clause d’échelle mobile (CA Nancy, 2e ch. com., 9 avr. 2014, RG n° 13/02244, SARL Norma c/ SCI Les Korrigans).

Si le raisonnement est fondé sur l’article L. 145-39 du Code de commerce, on ne voit pas comment la clause d’indexation ne faisant varier le loyer qu’à la hausse pourrait être sauvée car le texte est d’ordre public.

De plus, de notre analyse s’agissant d’une disposition d’ordre public visé par l’article L 145-15 qui avant la loi PINEL réputait nulle toute clause contraire à l’article L 145-39, la cour d’appel aurait du prononcer la nullité de la clause et non la réputée non écrite

Par ailleurs, la clause ne créant pas de distorsion entre la période de variation indiciaire et celle de révision du loyer, elle est jugée au final valable. Le respect de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier constitue ainsi le fait justificatif permettant de conserver tout de même la clause d’indexation ne variant qu’à la hausse, contredisant l’article L. 145-39 du Code de commerce.

En conclusion, la cour d’appel de Versailles sanctionne la clause au motif que l’exclusion de l’indice à la baisse revient à interdire toute diminution du montant du loyer, ce qui paralyse le fonctionnement de l’article L. 145-39 du Code de commerce, texte d’ordre public qui exige une réciprocité.

Toutefois, la cour d’appel n’a pas considéré que toute la clause devait être réputée non écrite, mais uniquement la stipulation qui interdit la variation du loyer à la baisse.

La clause d’indexation subsiste en ce qu’elle n’était pas contraire à l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier puisque les périodes de variation de l’indice et celles de variation du loyer sont toutes deux annuelles, et les juges du fond ont recalculé le loyer non pas depuis la date d’effet du bail, mais depuis la première année où cette clause aurait dû conduire à une baisse de loyer. Le bailleur est condamné à rembourser ce seul trop perçu.

Nous émettons les plus expresses réserves sur cette décision car le fait de réputer non écrite ladite clause nous semble pouvoir être remise en cause et ne l’annuler que partiellement correspond à faire un tri que la loi n’a pas envisagé. Mais en toute hypothèse, cela réintroduit l’indexation qui aurait du être appliquée entre les parties.

Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, 10 mars 2015, n° 13/08116

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