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Publié le 21 Nov 2021

Locaux impropres à leur destination et conséquences

Le fait de donner à bail commercial un local à usage de restauration sans évacuation des eaux usées rend le local impropre à sa destination et entraine: (1) la résiliation du bail commercial aux torts du bailleur, (2) l’indemnisation du préjudice subi par le locataire, (3) l’absence de paiement d’une indemnité d’occupation.

Dans cette affaire, un preneur à bail commercial pour y exploiter une activité de restauration devait installer sa cuisine dans le sous-sol du local. Or, il résulte des éléments du dossier que:

  • – au sous-sol, l’ancienne évacuation des eaux usées ayant été coupée depuis de nombreuses années, il était prévu de la rétablir, ce qui supposait préalablement des travaux dans le sous-sol du local mitoyen ;
  • – les réseaux d’évacuation en sous-sol devaient comporter un siphon de sol qui devait être repris par une pompe de relevage, mais ce réseau ne comportait pas de séparateurs de graisse ;
  • – à défaut du raccordement au réseau d’égout de la cuisine, qui supposait notamment la reprise des embellissements du lot voisin, l’architecte notait qu’il conviendrait de « reprendre sur le réseau existant avec une pompe de relevage plus conséquente » ;

Au vu de ces éléments, lors de la conclusion du bail, le réseau d’évacuation des eaux vannes en sous-sol était insuffisant pour assurer l’évacuation des eaux usées d’un restaurant.

Les juges en on conclu que:

  • le local était impropre à sa destination,
  • le locataire devait être indemnisé du préjudice subit,
  • le locataire devait être dispensé de payer une indemnité d’occupation suite à la résiliation du bail.

1- Sur l’indemnisation du préjudice subi

Il résulte de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.

Pour évaluer le préjudice subi par la locataire à la somme de 130 000 euros, l’arrêt retient que le préjudice par elle subi du fait de la faute commise par la bailleresse, pour avoir consenti un bail en vue d’une activité de restauration portant sur un local impropre à sa destination.

En effet, le bailleur n’a pas appelé l’attention de la locataire sur l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux usées au regard de la destination du bail, le locataire devant engager des dépenses pour rétablir l’évacuation des eaux usées pour démarrer son exploitation.

A ce titre, le locataire a souscrit un prêt de 100 000 euros ayant pour objet de financer les dépenses afférentes aux travaux d’aménagement, d’amélioration et de réparation du fonds de commerce.

Ce prêt doit être pris en compte dans la détermination du préjudice indemnisable.

Or, la cour d’appel n’a pas recherchée, comme lui demandait le Bailleur, le montant des dépenses financées par le prêt.

La Cour de Cassation censure cette condamnation et renvoie la détermination exacte du préjudice à l’appréciation de la cour d’appel de renvoi.

2- Sur le montant de l’indemnité d’occupation

Il résulte de l’article 1304 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’en cas d’annulation d’un bail pour un motif étranger au comportement du preneur, l’indemnité d’occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux.

Dès lors, si le locataire n’a pas bénéficié de la jouissance de locaux conformes à leur destination contractuelle, il n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation.

Pour condamner la locataire au paiement d’une indemnité d’occupation suite à l’annulation du contrat de bail, l’arrêt énonce qu’il importe peu qu’elle n’ait pu exploiter les locaux pris à bail, la bailleresse ayant été privée de la jouissance de son bien jusqu’à la remise des clés.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la bailleresse avait consenti un bail pour un local impropre à sa destination contractuelle, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 3 Novembre 2021 n°20-16.334

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