Les juges doivent répondre au moyen faisant valoir que l’aménagement apporté à l’opération procéde d’une fraude.
Tant la conclusion que l’exécution des mandats régis par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 engendrent un contentieux important, notamment lorsque le mandant tente de se soustraire au versement de la commission de l’agent. L’arrêt rapporté, rendu en formation plénière de chambre, rappelle la classique réserve de la fraude dans des circonstances singulières ou les mandants avaient fait preuve d’une ingéniosité particulière.
Un mandat de vendre un bien immobilier avait été conclu avec un agent immobilier, sans exclusivité, comprenant une clause selon laquelle le vendeur s’interdisait de traiter avec un acquéreur lui ayant été présenté par le mandataire.
Un compromis de vente fut finalement établi par l’agent immobilier avec un acquéreur, lequel se rétracta. Par la suite, le vendeur souscrit un nouveau compromis avec le même acquéreur, sans recours à l’agent.
Ce nouveau contrat comprenait toutefois une astuce, puisqu’il prévoyait l’acquisition de la nue-propriété du bien pour les enfants de l’acquéreur, lequel se réservait l’usufruit. S’estimant floué, l’agent immobilier assigna l’acquéreur en paiement de la clause pénale stipulée au mandat. Les juges du fond (Caen, 17 mars 2009) rejetèrent sa demande. L’agent forma donc un pourvoi en cassation.
Le premier moyen entendait obtenir la cassation de l’arrêt d’appel sur le fondement du contrôle de la dénaturation ; ici, la méconnaissance du sens de la clause interdisant au vendeur de traiter avec une personne lui ayant été présentée par l’agent.
Pourtant, pour accueillir le pourvoi, la première chambre civile retient que les juges du fond auraient dû répondre au second moyen, selon lequel l’opération envisagée par le second compromis caractérisait une fraude. Elle casse donc l’arrêt de la cour d’appel sur le fondement de l’article 455 du code de procédure civile.
Les différences entre les compromis signés ne font pourtant aucun doute. Alors que dans le premier, il était question du transfert de la pleine propriété à un acquéreur, le second concerne une opération impliquant de démembrer le droit de propriété en faveur d’une pluralité de bénéficiaires.
Or, si la jurisprudence admet que la fraude aux droits de l’agent lui ouvre le droit au versement de la clause pénale, ce n’est qu’à des conditions drastiques. La jurisprudence exige, notamment, que l’acquéreur ait traité directement avec la personne présentée par l’agent immobilier (Civ. 1re, 18 févr. 1969, Bull. civ. I, n° 74). Ici, la haute cour semble aller dans le sens d’une appréciation souveraine des juges du fond quant à la fraude , car elle réserve cette question à la juridiction de renvoi, sans trancher. L’enjeu de cette qualification pour les parties réside tout simplement dans l’application ou non de la clause pénale stipulée au contrat de mandat.
Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 8 avril 2010 n° 09-14597