Lors d’un précédent article, nous avions attiré l’attention de nos lecteurs sur le statut des locations meublées saisonnières à P (V. LA PROBLEMATIQUE DE LA LOCATION MEUBLEE A PARIS). La cour d’appel de Paris est venue préciser non seulement le statut mais également les sanctions attachées au non respect de la réglementation, car qu’on se le dise une location meublée saisonnière n’est pas à usage d’habitation.
Le bailleur de meublés touristiques qui n’a pas sollicité d’autorisation préalable au changement d’usage des locaux destinés initialement à l’habitation encourt une amende. S’il a depuis régularisé la situation par la conclusion de baux d’un an, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le retour à l’habitation, il n’en demeure pas moins que la durée des infractions, auxquelles le contrevenant a tardé à mettre fin, justifie le prononcé d’une amende de 10 000 € par infraction.
Compte tenu de la pénurie de logements, spécialement à Paris, le sujet des meublés touristiques (pour une durée allant de quelques jours à plusieurs mois) est sensible.
En la matière, la règlementation (CCH, art. L. 631-7 s.) précise, en substance, que le bailleur qui se livre à l’activité de meublé dans des conditions autres que celles prévues à l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation (soit une location consentie à titre de résidence principale pour un an ou pour neuf mois lorsque le locataire est étudiant), doit, au préalable, obtenir une autorisation administrative de changement d’usage.
Et le contrevenant s’expose à une amende de 25 000 €, ainsi qu’à la condamnation, sous astreinte, à rétablir l’usage d’habitation (CCH, art. L. 651-2).
Dans l’espèce rapportée, un couple louant pour de courtes durées sans autorisation municipale cinq appartements parisiens avait été dénoncé à la mairie de Paris par deux particuliers, ainsi que par une association. Condamnés en appel à 10 000 € par infraction constatée (soit un total de 50 000 €), ils échappent à une condamnation sous astreinte, puisque, avant même qu’une action judiciaire ne soit engagée, ils avaient régularisé leur situation en concluant des baux d’une année (pour un autre exemple de condamnation, V. Paris, 24 mai 2011, AJDI 2011. 532, obs. Daudré ).
Cette décision est riche d’enseignements, tant du point de vue procédural que sur le fond.
Le fondement de l’action
L’arrêt précise que l’action est fondée sur le seul code de la construction et de l’habitation (art. L. 631-7, L. 631-7-1, L. 632-1 et L. 651-2), et non sur le plan local d’urbanisme de la ville de Paris, les décisions du conseil de Paris ou une circulaire du 22 mars 2006, textes contre lesquels un recours pour excès de pouvoir était pendant.
L’intérêt à agir du demandeur à l’action
Arguant de la régularisation de leur situation, les demandeurs ont tenté de faire valoir que le ministère public, demandeur, n’avait plus d’intérêt à agir. Ils sont déboutés, la régularisation ne faisant pas disparaître l’infraction.
La régularité de la procédure intentée en référé
Les conditions des articles 808 et 809 du code de procédure civile n’étant pas réunies, les défendeurs estimaient le juge des référés « incompétent ». Cette argumentation est réfutée par la cour, laquelle remarque que, en la matière, le juge des référés tient ses pouvoirs, non des articles du code de procédure civile, mais de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation (disposant que « cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé […] »), dans le cadre d’une instance autonome.
La nécessité du changement d’usage en cas de location de courte durée
Les défendeurs estimaient que leur activité n’avait pas modifié la destination des locaux loués. Selon eux, l’interprétation des textes (CCH, art. L. 631-7, L. 631-7-1 et L. 632-1), tant par la mairie que par la circulaire de 2006, était erronée. Cette argumentation est, également, balayée par le juge parisien qui se contente toutefois de reproduire les dispositions incriminées, sans étayer davantage le raisonnement.
Il y aurait pourtant, peut-être, lieu de s’interroger sur la portée exacte des articles L. 631-7 et L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation. En effet, alors que le premier texte précise qu’en matière de locations meublées, la destination d’habitation s’entend d’une location consentie « dans les conditions de l’article L. 632-1 », le second texte envisage, dans son premier alinéa, certes l’hypothèse d’une location à titre de résidence principale (d’une durée en principe au moins égale à un an), mais également celle de la location à un autre titre (à l’égard de laquelle aucune indication de durée n’est précisée). Dans les deux hypothèses, un bail écrit doit être établi.
CA Paris, 4 septembre 2012, RG n° 11/21971