Les acquéreurs ne peuvent agir en réparation de vices apparents à la livraison sur le fondement de la responsabilité contractuelle et sont forclos faute d’avoir engagé leur action dans le délai d’un an et un mois à compter de la date de la livraison.
En principe, les désordres réservés lors de la réception, même s’ils rendent l’immeuble impropre à sa destination ou compromettent sa solidité, ne relèvent pas de la garantie décennale à défaut d’être cachés.
Cependant, la Cour de cassation admet que la garantie décennale couvre « les défauts, qui signalés à la réception, ne se sont révélés qu’ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences » (Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-16.533, D. 1994. 241 ; RDI 1995. 107, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ; 28 févr. 1996, RDI 1996. 217, obs. P. Malinvaux et B. Boubli ; 18 déc. 2001, RDI 2002. 150, obs. P. Malinvaud ; 21 sept. 2011, n° 09-69.933, D. 2011. 2336 ; RDI 2011. 568, obs. O. Tournafond ).
Ces défauts ne peuvent être qualifiés d’apparents à la réception puisque leur gravité et leurs conséquences n’étaient alors pas connues. Le même raisonnement s’applique-t-il pour les désordres évolutifs qui ne relèvent pas de l’article 1792 du code civil ? Ces désordres, bien que réservés, peuvent-ils en raison de leur aggravation ultérieure être considérés comme cachés ? L’enjeu principal est la prescription de l’action. Si les désordres sont apparents, l’action doit être engagée dans le délai d’un an et un mois prévu par l’article 1648-1 du code civil.
S’ils sont cachés, ils relèvent de la responsabilité de droit commun (sur le non cumul, Civ. 3e, 15 mars 2011, n° 10-13.778). Cette question, semble-t-il inédite, était soumise à la Cour de cassation.
En l’espèce, une maison avait été vendue en l’état futur d’achèvement. Des réserves avaient été émises en raison de la présence de fissures en façades et pignons.
L’assureur dommage-ouvrages avait dénié sa garantie car ces désordres ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination.
Moins d’une année plus tard, le pavillon avait été revendu. Se prévalant de l’aggravation des désordres, les sous-acquéreurs avaient assigné le vendeur-constructeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun au titre des dommages intermédiaires.
Constatant que les vices ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, la cour d’appel en avait déduit que leur aggravation alléguée, qui n’était pas formellement démontrée, était dénuée de portée.
Elle en avait conclu que les demandeurs étaient forclos pour ne pas avoir engagé leur action dans le délai d’un an et d’un mois à compter de la date de livraison en application des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
La première branche du pourvoi critiquait ce raisonnement en alléguant que les vices connus à la date de la réception d’un ouvrage, ayant fait l’objet d’aggravations ultérieures, peuvent être indemnisés sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
La seconde branche reprochait à la cour d’appel d’avoir estimé que la preuve de l’aggravation des désordres n’était pas apportée sans avoir analysé les éléments de preuve qui lui étaient présentés.
Ayant constaté que la garantie décennale ne trouvait pas à s’appliquer (le désordre n’affectant pas la solidité de l’immeuble ni ne rendant l’immeuble impropre à sa destination), la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’en avoir déduit que les demandes portant sur des vices apparents à la livraison, les sous-acquéreurs, qui ne pouvaient pas agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, étaient forclos, faute d’avoir engagé leur action dans le délai d’un an et un mois à compter de la date de la livraison.
Il semble donc que, pour la Cour de cassation, tant qu’il ne rend pas l’immeuble impropre à sa destination ou ne porte pas atteinte à la solidité de l’immeuble, le désordre réservé est un désordre apparent qui ne relève que de l’article 1642-1 du code civil, en dépit de son aggravation. Autrement dit, le désordre réservé apparent révèle un désordre caché lorsqu’il peut relever de la garantie décennale à la suite de son aggravation.
La portée de cet arrêt demeure cependant incertaine car en l’espèce, l’aggravation des désordres n’était pas prouvée. On aurait aimé une formulation plus claire de la Cour de cassation.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 3 juin 2015 n° 14-14706