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Publié le 31 Jan 2016

Nullité de la clause d’échelle mobile d’un bail commercial ne jouant qu’à la hausse

Dans une décision qui ne manquera pas de faire couler beaucoup d’encre, la Cour de Cassation a, pour un bail commercial, qualifiée de « nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse » et laisse le soin aux juges du fond d’apprécier souverainement le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation pour la réputée non écrite en son entier.

Il convient ici de rappeler que pour un bail commercial :

– La nullité est encourue en application de l’article L 145-39 du Code de Commerce lorsque la réciprocité de la variation à la hausse et à la baisse n’est pas applicable. Cette action se prescrit par deux ans (article L 145-60) pour tous les baux signés ou renouvelés antérieurement au 19 juin 2014 (loi Pinel). En effet, la loi PINEL a modifié l’article L 145-15 du Code de Commerce qui répute non écrite toute cause contraire à l’article L 145-39 du Code de Commerce rendant ainsi imprescriptible toute action en la matière.

– La réputation non écrite est encourue lorsque la période de variation de l’indice pris en compte est supérieure à la période de variation de loyer (article L 112-1 du Code Monétaire et Financier). Cette action est imprescriptible.

Si l’on comprend pourquoi la Cour de Cassation a, pour un bail commercial, qualifié de nulle toute clause empêchant librement une variation à la hausse et à la baisse, on comprend mal pourquoi elle n’a pas fait application de la prescription puisqu’elle parle elle-même de nullité et non de réputation non écrite.

La Cour de Cassation pour qualifier de nulle ladite clause du bail commercial fait sienne le raisonnement de la Cour d’appel de Paris considérant qu’ayant relevé que la clause excluait, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, la cour d’appel, qui a exactement retenu que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l’indexation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Toutefois, il convient néanmoins de rappeler que nombre des juges du fond avait considéré qu’une clause d’un bail commercial ne présentant pas de réciprocité ne souffrait pas de sanction (faisant fi de cette absence de réciprocité au motif que l’art. L. 145-39, C. com., ne pose aucune autre exigence que la simple constatation de l’augmentation ou la diminution du loyer par le jeu de la clause d’échelle mobile, Paris, 3 avr. 2013, n° 11/14299; relevant qu’aucune disposition légale ou contractuelle n’interdit la clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse, Aix-en-Provence, 15 mars 2013, n° 11/06632 ; admettant la validité d’une clause du bail par laquelle le preneur renonce au mécanisme de révision du loyer à la baisse, Colmar, 4 juill. 2012, n° 11/02844).

Par ailleurs, la Cour de Cassation semble avoir voulu laisser à la libre appréciation des juges du fond la réputation non écrite des 8 paragraphes de la clause du bail commercial.

En effet, la Cour de Cassation, qui était également saisie de la question de la réputation non écrite de la clause d’indexation du bail commercial dans son intégralité, a décidé de renvoyer à l’appréciation des juges du fond de trancher la question en ces termes.

« Appréciant souverainement le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation, la cour d’appel a pu en déduire que la clause devait être, en son entier, réputée non écrite. »

A ce titre, la Cour d’appel de Paris réputée non écrite toute la clause en considérant que ce type de clause d’un bail commercial créait une distorsion prohibée car, en cas de baisse de l’indice, le loyer étant maintenu au loyer précédemment en vigueur, la durée s’écoulant entre les dates de modification du loyer serait nécessairement plus longue que celle de la variation des indices (CA Paris, ch. 5-3, 2 juill. 2014, n° 12/14759).

Mais la Cour d’appel de Versailles a considéré que cette clause d’un bail commercial n’est pas contraire à l’article L. 112-1 du code monétaire et financier puisque les périodes de variation de l’indice et celle de variation du loyer sont toutes deux annuelles. Elle a néanmoins sanctionné ce type de clause sur le fondement de l’article L. 145- 39 du code de commerce, au motif que l’exclusion de l’indice à la baisse revient à interdire toute diminution du montant du loyer, ce qui paralyse le fonctionnement de l’article L. 145-39 qui exige une réciprocité (CA Versailles, 12e ch., 10 mars 2015, n° 13/08116). Seule la partie précisant que la variation du loyer n’est applicable qu’à la hausse a été déclarée nulle et la clause est restée applicable.

En d’autres termes, l’enjeu sera déterminer si l’exclusion de la variation à la baisse est un caractère déterminant ou non de la clause d’indexation du bail commercial.

Ainsi, dans le cadre d’une indexation sans indice de base fixe, deux solutions peuvent se présenter:

  • L’exclusion de la variation à la baisse est essentielle à la soumission du loyer à l’indexation : la clause est réputée non écrite en son entier et le loyer est recalculé à compter de l’origine du bail ; on considère qu’il n’y a jamais eu d’indexation.
  • L’exclusion de la variation à la baisse est accessoire à la soumission du loyer à l’indexation : la clause serait alors réputée non écrite seulement en ce qu’elle interdit la variation à la baisse. Le loyer serait alors indexé depuis le début dans les conditions normales de cette indexation.

Les juges du fond ont donc encore pouvoir pour apprécier souverainement l’intention des parties et appliquer le droit.

Enfin, il convient de rappeler que même en cas de nullité ou de réputation non écrite de la clause, les conséquences sont les suivantes:

– application du loyer d’origine sans indexation rétroactivement depuis la date de prise d’effet du bail du bail commercial;

– remboursement de la différence entre le loyer indexé (sur les cinq dernières années précédant l’acte introductif d’instance) et le loyer d’origine .

Il existe donc encore des solutions et d’autres hypothèses pour le bailleur pour essayer de sauver la situation.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2016 n°14-24.681

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