Les bailleurs, en louant à usage de « restauration » des locaux commerciaux sans qu’ils ne soient équipés d’un système d’évacuation et d’extraction des fumées et buées et sans s’assurer qu’ils obtiendraient l’accord de la copropriété pour qu’ils puissent en être équipés ont manqué à leur obligation de délivrance.
Il est résulté de ce manquement l’existence d’un préjudice pour le preneur, à savoir une restriction apportée à la libre exploitation de son commerce dans les limites de la destination autorisée au bail.
La société locataire étant sous la menace de la fermeture administrative de son établissement comme le lui avait fait savoir le maire de la ville, ayant en outre déjà été avertie de la non conformité de son établissement par la médecine du travail et par l’Agence régionale de santé et confrontée aux plaintes des copropriétaires qui avaient voté en assemblée générale une résolution chargeant leur avocat d’engager une procédure à son encontre et à l’encontre des bailleurs pour mettre fin aux nuisances olfactives et émanations de fumées, a arrêté son activité.
Il existe bien un lien de causalité entre le manquement des bailleurs à leur obligation de délivrer un local conforme à l’activité de restauration autorisée au bail et l’arrêt par la société de son activité, l’absence de système d’extraction et d’évacuation des buées et fumées et l’impossibilité juridique d’en installer un du fait de l’opposition de la copropriété portant atteinte à sa liberté d’exploiter son commerce dans les limites de la destination autorisée au bail.
Certes, le précédent locataire exploitait également un restaurant, en ayant évité au maximum la cuisson des aliments sur place, se cantonnant essentiellement à les réchauffer avec des fours à micro-ondes ou des petits fours électriques et en installant une friteuse dans la salle de restaurant plutôt que dans la cuisine davantage en communication avec les autres parties de la l’immeuble évitant ainsi la propagation dans celles-ci des fumées et buées.
Cependant, la destination contractuelle permettait à la société locataire d’exploiter un restaurant, sans restriction particulière.
La société locataire a été mise en liquidation judiciaire et le liquidateur judiciaire a opté pour la résiliation du bail. Le fonds de commerce avait été acheté 120 000 euros.
Compte tenu de la possibilité pour la société locataire d’exploiter quand même le restaurant en appliquant les précautions prises par le précédent locataire, le préjudice subi par la société locataire doit être évalué à 60 000 euros.
La société avait été spécialement créée pour exploiter les lieux loués, et les deux associés ont investi en pure perte 30 000 euros dans la société. Il sera fait une juste appréciation du préjudice causé aux associés par le manquement des bailleurs en leur allouant 14 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Cour d’appel d’Amiens, Chambre économique, 5 Octobre 2017 n°15/05505