Evenement assez exceptionnel pour être souligné, un même arrêt vient trancher une affaire dans laquelle règles d’ordre publique relatives aux baux commerciaux et aux baux d’habitation se croisent.
Le fait que le locataire ne s’en soit pas prévalu dans son congé ne le prive pas du droit de bénéficier du délai de préavis réduit que lui reconnaît la loi d’ordre public. Un commandement de payer visant la clause résolutoire doit énoncer clairement la somme réclamée au preneur.
Si un bail portant à la fois sur des locaux commerciaux et sur un logement relève pour le tout des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, dès lors que local commercial et local d’habitation sont deux entités autonomes faisant l’objet de deux conventions distinctes, il convient d’appliquer les règles statutaires pour le premier et les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour le second.
Ainsi, dans l’arrêt rapporté, les parties avaient-elles signé un bail sur des locaux à usage d’habitation et un autre sur des locaux à usage commercial (un contrat de location-gérance étant par ailleurs consenti sur ces derniers).
À la suite du congé donné par le locataire pour le logement et la délivrance, par le bailleur, d’un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le bail commercial, un double contentieux s’est élevé.
Concernant le congé délivré par le locataire, le bailleur et, avec lui la cour d’appel (Caen, 23 oct. 2008), a dénié à son cocontractant le droit de bénéficier d’un délai de préavis réduit à un mois, au motif que ce congé n’indiquait pas qu’il était allocataire du revenu minimum d’insertion (RMI) (qui, en application de l’art. 15 de la loi du 6 juill. 1989, constitue l’une des six causes légales de réduction du délai).
Ce raisonnement est censuré, compte tenu du caractère d’ordre public de l’article 15 de la loi de 1989 (jugeant que le locataire qui justifie être allocataire du RMI bénéficie d’un délai de préavis d’un mois, même s’il ne démontre pas avoir donné connaissance au bailleur de sa situation particulière, V. déjà Civ. 3e, 13 déc. 2005, AJDI 2006. 568).
On peut également faire valoir qu’en décider autrement aurait incontestablement ajouté à la loi, tout comme ajoute à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, une cour d’appel qui rejette la demande de préavis réduit du locataire au motif que le versement du RMI est antérieur de plusieurs mois à la délivrance du congé (Civ. 3e, 18 févr. 2003, Bull. civ. III, n° 39).
Au sujet du commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial, en dépit du fait qu’il faisait l’amalgame entre les sommes dues par le locataire au titre de son logement, celles dont il était redevable pour le compte de son local d’activité et les redevances payables au titre de la location-gérance, le juge du fond a estimé qu’il était valable et a constaté la résiliation du bail.
Pour ce faire, tout en tenant compte des justificatifs produits par le preneur (qui a ramené l’arriéré de plus de 5 000 à 1 444 €), le juge a relevé que le locataire n’a pas apporté la preuve que, dans le délai de régularisation imparti (un mois, aux termes de l’art. L. 145-41 c. com.), il a apuré sa dette.
Cette solution est, elle aussi, censurée par le juge du droit, lequel reproche au juge normand de ne pas avoir recherché la part exacte dont le locataire était débiteur au titre du bail commercial.
Cette position mérite approbation, car si le fait que le commandement ait été délivré pour une somme supérieure à celle réellement due n’entraîne pas sa nullité mais la limitation de ses effets au montant des sommes dues, encore faut-il, pour qu’il puisse y remédier, que le débiteur sache précisément quelle est la teneur – et l’étendue – du manquement qu’on lui reproche.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 30 juin 2010 n° 09-16244