Dans cette décision qui aura l’honneur d’être publiée au bulletin de la Cour de Cassation, celle-ci indique que (1) l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception et que (2) le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite.
En d’autres termes, le maitre de l’ouvrage doit dorénavant contester la réception tacite afin de prouver que cette volonté fait défaut. La charge de la preuve est renversée sur ce point.
Ainsi, la Cour de cassation confirme la validité de la réception partielle par lots et renouvelle les conditions d’admission de la réception tacite.
En l’espèce, un particulier confie, sous sa maîtrise d’ouvrage, des travaux de terrassement et de gros œuvre à un entrepreneur du bâtiment, qu’il paye en totalité.
À la suite de la survenance de désordres, qui ont nécessité l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, le maître d’ouvrage assigne en responsabilité l’entrepreneur, ainsi que son assureur en responsabilité décennale.
La cour d’appel considère qu’en l’absence de réception des travaux, seule la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur est susceptible d’être engagée, ce qui justifie que l’assureur en responsabilité décennale soit mis hors de cause.
En premier lieu, la cour d’appel estime que les conditions ne sont pas réunies pour admettre l’existence d’une réception partielle de l’ouvrage, portant uniquement sur le lot confié à l’entreprise.
Selon elle, le principe sous-tendu par l’article 1792-6 du code civil demeure celui de l’unicité de la réception, qui interdit de procéder à une réception par lots, sans attendre l’achèvement total des travaux.
En second lieu, la cour d’appel refuse de reconnaître que le lot litigieux a pu faire l’objet d’une réception tacite.
Pour les juges du second degré, une telle réception n’est pas uniquement caractérisée par l’entrée dans les lieux et le paiement du prix des travaux, mais exige la preuve que le maître d’ouvrage a affirmé sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage.
Or, rien ne permettait d’affirmer qu’en payant la dernière facture, le maître d’ouvrage avait entendu accepter les travaux, et non uniquement s’acquitter de sa dette.
La Haute Cour casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1792-6 du code civil, en rappelant d’abord que « l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception ».
En effet, la réception partielle par lots n’est pas prohibée par la loi, pas plus qu’elle ne s’inscrit en contradiction avec le principe d’unicité de la réception.
A ce titre, le principe de l’unicité de la réception interdit seulement la réception échelonnée de travaux à l’intérieur d’un même lot (Civ. 3e, 2 févr. 2017, n° 14-19.279), non la réception de lots séparés, autonomes et distincts (Civ. 3e, 10 nov. 2010, n° 10-10.828).
Ce revirement de la charge de la preuve. L’instauration d’une présomption en la matière renverse la charge de la preuve et facilite son administration.
En effet, indépendamment de la preuve matérielle, par tous moyens, du paiement de l’intégralité du prix des travaux et de la prise de possession par le maître d’ouvrage, la volonté non équivoque de ce dernier n’a plus besoin d’être caractérisée.
Elle est tacitement déduite des deux autres éléments. S’agissant d’une présomption simple, il appartiendra désormais à celui qui souhaite la combattre, pour contester l’existence de la réception tacite, de démontrer que le maître d’ouvrage n’a pas expressément entendu recevoir l’ouvrage.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 janvier 2019 n°18-10.197 et 18-10.699