Dès lors que le bailleur accepte, même tacitement, le principe du renouvellement du bail commercial, et même si les parties ne sont pas d’accord sur le montant du loyer du bail renouvelé, alors le bailleur est considéré comme ayant renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées au commandement visant la clause résolutoire.
Pour mémoire, il résulte des articles L. 145-10, alinéa 4, et L. 145-11 du code commerce que l’acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d’une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.
La jurisprudence avait déjà eu à statuer en ce sens dans une affaire quasiment similaire.
En effet, la Cour de Cassation avait considéré que le bailleur qui délivre un congé avec offre de renouvellement postérieurement à une ordonnance de référé ayant suspendu les effets de la clause résolutoire est considéré comme ayant renoncé tacitement et sans équivoque à se prévaloir de la décision résiliant le bail commercial (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 janvier 2021, 19-24.466)
En l’espèce, les bailleurs ont, le 1er février 2003, donné à bail commercial à aux preneurs divers locaux.
Le 22 novembre 2017, les bailleurs ont délivré aux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré au titre de la régularisation de charges et de justifier d’une assurance contre les risques locatifs.
Le 12 janvier 2018, ils ont accepté, moyennant un loyer plus élevé, le principe du renouvellement du bail commercial, demandé par les preneurs, le 12 octobre 2017.
Par acte du 21 décembre 2017, les preneurs ont sollicité des délais de paiement et, le 28 mars 2018, les bailleurs ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et la condamnation des preneurs au paiement de diverses provisions.
Pourtant, leur bail a été résilié, la Cour d’appel ayant considéré que les bailleurs ne pouvaient être considérés comme ayant renoncé aux causes du commandement de payer. Les preneurs se sont pourvus en cassation.
La Cour de Cassation rappelle que:
- selon l’article L 145-10 du Code de Commerce, dans les trois mois de la notification de la demande du preneur en renouvellement du bail commercial, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
- selon l’article L 145-11 du Code de Commerce, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l’article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L. 145-10, faire connaître le loyer qu’il propose.
Pour la Cour de Cassation, il en résulte que l’acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d’une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.
Pour accueillir la demande reconventionnelle en constatation de la résiliation du bail, l’arrêt retient que les preneurs ne peuvent valablement soutenir que les bailleurs ont renoncé à se prévaloir du commandement du 22 novembre 2017, dès lors que le bail initialement conclu entre les parties a été résilié de plein droit le 22 décembre 2017, les bailleurs étant libres de consentir un nouveau contrat, les parties ne s’étant d’ailleurs manifestement pas encore entendues sur les termes d’une éventuelle nouvelle convention, et notamment sur le montant du loyer.
Encourt, dès lors, la censure, l’arrêt qui accueille la demande en constatation de la résiliation du bail alors que le bailleur, en notifiant au locataire l’acceptation du principe du renouvellement du bail postérieurement au commandement visant la clause résolutoire dont les effets n’avaient pas été constatés judiciairement, avait renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées à ce commandement.
Solution: le bailleur veillera à refuser le renouvellement du bail commercial dès lors qu’il aura délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 11 mai 2022 n°19-13.738=civ3&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=1&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=3]