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Publié le 4 Juil 2021

Procédures collectives spéciales de traitement de la sortie de crise sanitaire

L’article 13 de la loi n°2021-689 du 31 mai 2021 institue une procédure spécifique, dite « procédure de traitement de la sortie de crise » applicable du 1er juin 2021 au 31 mai 2023 qui va permettre au locataire de sélectionner quels créanciers il acceptera de régler et d’isoler ainsi les créances dues au bailleur et d’étaler leur remboursement sur dix ans, le tout de manière quasi discrétionnaire.

Le décret d’application de ce dispositif n’est pas encore publié à la date de publication de l’article.

1- Les conditions d’ouverture :

La procédure est évidemment réservée aux entreprises éligibles aux procédures collectives, et :

– entreprise dont l’effectif et le total du bilan sont en deçà de seuils fixés par décret et dont les comptes apparaissent réguliers

– en état de cessation des paiements mais ayant la possibilité de payer les créances salariales et justifiant d’être en mesure de présenter un plan dans le délai de trois mois (mais les créances salariales ne pourront faire l’objet du plan).

2- La procédure d’ouverture

Seul le débiteur peut solliciter l’ouverture de la procédure.

Il s’agit de la procédure de redressement judiciaire (Titre III du livre VI du code de commerce), sauf les exceptions prévues au texte spécifique.

Entre autres règles, les règles de fixation et de report de la date de cessation des paiements s’appliquent.

L’interdiction du paiement des créances antérieures ne concerne pas les créances salariales, qui doivent être payées avec la trésorerie, par hypothèse disponible puisque c’est une condition d’ouverture.

Les autres règles (interdiction des poursuites, procédures en cours … ) sont applicables.

3- Les organes de la procédure

Un juge commissaire est désigné comme dans les procédures collectives.

Un « mandataire » qui est soit un administrateur judiciaire, soit un mandataire judiciaire, ou un autre professionnel est désigné.

Ce mandataire reçoit une mission de surveillance (comme en matière de redressement judiciaire L622-1 du Code de Commerce) mais ne peut être missionné avec un rôle d’assistance.

En d’autres termes, la mission de l’administrateur judiciaire connu en matière de redressement judiciaire n’est pas applicable. Le chef d’entreprise continue de gérer sans rendre compte.

Le mandataire exerce également les prérogatives du mandataire judiciaire en matière de monopole de représentation des créanciers (article L622-20 du Code de Commerce)

Des contrôleurs peuvent éventuellement être désignés, mais sans application de la désignation des administrations financières et de l’AGS (L621-10 alinéa 2 du Code de Commerce)

4- L’inventaire

Un inventaire est établi selon les mêmes règles qu’en matière de sauvegarde mais le débiteur peut demander à en être dispensé.

5- Résiliation des contrats

Les III et IV de l’article L622-13 ne sont pas applicables : pas de résiliation de plein droit après mise en demeure, ni de résiliation à l’initiative du « mandataire ».

Le Bailleur conserve en application de l’article L 622-14 du Code de Commerce d’obtenir la résiliation du bail. Pour mémoire, passé un délai de trois mois à compter du jugement ayant prononcé l’ouverture de la procédure, le bailleur peut faire constater la résiliation du bail en cas de défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure audit jugement d’ouverture.

Cependant, le délai imparti au locataire pour présenter et arrêter son plan étant de trois mois, il sera très difficile de mettre en œuvre cette résiliation.

6- L’absence de vérification des créances

Avec beaucoup d’étonnement, la section 1 du chapitre IV du titre II du Code de commerce n’a pas vocation à s’appliquer. En d’autres termes, la vérification des créances telle qu’elle se déroule en procédure collective, n’est pas applicable.

En effet, le débiteur établit une liste de ses créanciers, contrôlée selon des modalités prévues par décret, et déposée au greffe.

Le mandataire informe les créanciers du montant de leur créance signalée (au moyen d’un extrait de la liste) et dans un délai fixé par décret, les créanciers peuvent demander une actualisation ou élever une contestation sur la créance signalée.

En cas de contestation le différent est tranché par le juge commissaire, saisi par le débiteur, le mandataire ou le créancier.

La décision du juge commissaire n’a autorité qu’entre les parties. La procédure et les voies de recours seront déterminées par décret.

De manière singulière le texte ne règle pas le sort des créances omises par le débiteur.

A priori elles devraient, dès l’adoption du plan, permettre aux créanciers concernés de disposer de leur liberté d’action, dès lors que le plan ne pourra affecté que les créanciers signalés par le débiteur

Cela constitue une grave inégalité entre les créanciers et pourrait faire des créanciers privilégiés juridiquement tel que le bailleur, des créanciers de dernier rang…

L’absence de processus de déclaration de créance ne permet pas d’affirmer que les créances omises sont inopposables à la procédure.

7- Vérification et règlement des créances résultant d’un contrat de travail

Le chapitre V du Titre II qui organise la vérification des créances salariales et le paiement de ces créances par l’AGS n’est pas applicable.

Si des licenciements sont nécessaires, les règles du redressement judiciaire s’appliquent : autorisation du juge commissaire, mais l’AGS s’interviendra pas.

8- La période d’observation

La période d’observation est de 3 mois, avec cependant une étape intermédiaire à 2 mois, à l’occasion de laquelle le Tribunal décide ou pas de sa poursuite (sans doute sur rapport du mandataire) si le débiteur dispose de capacités financières suffisantes.

Le Parquet ou le mandataire peuvent saisir le Tribunal pour y mettre un terme s’il apparait qu’un plan ne sera pas présenté dans le délai de 3 mois.

9- Projet de plan et plan

De manière surprenante, les engagements pour le règlement du passif sont établis sur la base de la liste remise par le débiteur, le cas échéant actualisée dès lors que les créances ne sont pas contestées.

Le plan est arrêté par le Tribunal. Il ne comporte des dispositions sociales que si le débiteur peut les financer immédiatement.

Ce qui est cohérent avec le fait que le débiteur doit disposer de la trésorerie pour faire face aux créances salariales.

Le mandataire exerce à cette occasion les fonctions dévolues au mandataire judiciaire en matière de plan de redressement. (notamment consultation des créanciers, mais uniquement sur la base de la liste établie par le débiteur) mais, comme en sauvegarde, c’est le débiteur qui élabore le projet de plan.

Ce plan ne concerne que les créanciers signalés dans la liste établie par le débiteur, antérieures au jugement d’ouverture, et ne peut affecter les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances délictuelles et les créances d’un montant inférieur à un seuil fixé par décret.

Le montant des annuités à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8% ( et non pas 5% comme c’est le cas pour le plan de sauvegarde ou de redressement) du passif établi par le débiteur (et donc pas 8% du passif réel conséquence des actualisations ou contestations).

En d’autres termes, le remboursement des dettes locatives pourront être étalées sur 10 ans.

Le plan aura pour les cautions personne physique les effets d’un plan de sauvegarde, beaucoup plus protecteur que le plan de redressement (opposabilité du plan).

10- Absence de plan dans les trois mois

A défaut de plan dans les trois mois, le Tribunal ouvre un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, sur requête du débiteur, du mandataire ou du Parquet.

Cette décision met fin à la procédure de traitement de la sortie de crise (mais il est indiqué que la durée de la période d’observation de la procédure de traitement s’ajoute à celle du redressement judiciaire, comme si la procédure était unique).

Procéduralement, il y a bien une procédure nouvelle, et pas la prolongation de la procédure de sortie de crise, ce qui s’explique notamment par le fait que la procédure de sortie de crise n’est pas assortie d’un processus organisé qui permettrait d’appréhender tout le passif.

Il est cependant précisé que le Tribunal peut également mettre fin à la procédure si le débiteur dispose des fonds suffisants pour payer les créanciers.

LOI n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire

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