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Publié le 4 Oct 2008

Promesse de vente : indemnité d’immobilisation et clause pénale

La stipulation, improprement qualifiée d’indemnité d’immobilisation, qui a pour objet de faire assurer par l’acquéreur l’exécution de son obligation de diligence est une clause pénale.

Voici un arrêt qui intéressera au premier chef les professionnels qui rédigent les avants contrats.

Une promesse synallagmatique de vente est conclue sous condition suspensive d’obtention d’un prêt. Celle-ci défaille par la faute de l’acquéreur, qui sollicite un prêt d’un montant supérieur à celui prévu.

Le vendeur invoque alors la clause du contrat qui prévoit qu’en présence d’une pareille faute de l’acquéreur, le dépôt de garantie versé par celui-ci restera acquis au vendeur « à titre d’indemnité d’immobilisation ».

Assigné en paiement, l’acquéreur soutient que cette clause constitue en réalité une clause pénale et sollicite sa réduction judiciaire sur le fondement de l’article 1152 du code civil. Les juges du fond condamnent néanmoins l’acquéreur, retenant que la clause litigieuse, qui a pour objet l’évaluation forfaitaire du préjudice subi par le vendeur, ne constitue pas une pénalité et, partant, qu’il n’y a pas lieu à réduction.

La Cour de Cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1226 du code civil. Les juges du fond, qui avaient constaté que la stipulation, « improprement qualifiée d’indemnité d’immobilisation », avait pour objet de « faire assurer par l’acquéreur l’exécution de son obligation de diligence », auraient dû conclure à la qualification de clause pénale. La solution doit être approuvée dans tous ses éléments.

En effet, la clause par laquelle le dépôt de garantie versé par l’acquéreur resterait acquis au vendeur en cas de faute du premier ne pouvait être qualifiée d’indemnité d’immobilisation. À vrai dire, une telle clause n’est pas envisageable dans une promesse synallagmatique de vente. Stricto sensu, l’indemnité d’immobilisation concerne en effet les promesses unilatérales de vente. Elle représente, dans ces avant-contrats, le prix de l’option consentie au bénéficiaire (Civ. 1re, 5 déc. 1995, Bull. civ. I, n° 452 ; D. 1996. IR. 28 ; RD imm. 1996. 232, obs. Groslière et Saint-Alary-Houin ; Defrénois 1996. 757, obs. Mazeaud et 814, obs. Bénabent).

En dépit de sa dénomination, dans le cas évoqué ci-dessus, cette stipulation n’a rien à voir avec une indemnité. Elle n’a pas pour objet de sanctionner l’inexécution de ses obligations par le bénéficiaire de la promesse, ni même de pousser à leur exécution ( Civ. 3e, 5 déc. 1984, Bull. civ. III, n° 207 ; D. 1985. Jur. 544, note Bénac-Schmidt ; RTD civ. 1985. 372, obs. Mestre).

Et pour cause : il s’agit d’un contrat unilatéral, qui ne met aucune obligation à la charge du titulaire de l’option.

Étrangère à toute considération indemnitaire, l’indemnité d’immobilisation rémunère le promettant qui, s’étant interdit de disposer de son bien pendant le délai d’option, manquera peut-être une occasion de « faire affaire » si la décision du bénéficiaire s’avère finalement négative.

En définitive, dans une promesse unilatérale de vente, il s’agit de rémunérer une prestation de service, en tenant compte de son coût pour le promettant.

Rien de tel dans la promesse synallagmatique de vente, qui vaut vente dès l’accord des parties sur la chose et sur le prix, à moins que celles-ci n’aient entendu ériger une formalité en condition supplémentaire de formation du contrat (Civ. 3e, 20 déc. 1994, Bull. civ. III, n° 229 ; D. 1996. Somm. 9, obs. Tournafond ; JCP 1995. II. 22491, note Larroumet ; JCP N 1996. II. 501, note Mainguy ; 28 mai 1997, Bull. civ. III, n° 123 ; D. 1999. Somm. 11, obs. Brun).

En l’espèce, la clause n’était donc pas rémunératoire, mais clairement indemnitaire. Restait à lui restituer sa qualification exacte. À cet égard, les clauses d' »indemnité d’immobilisation » sont, selon l’objet qui leur est assigné par les parties, susceptibles d’être qualifiées de clauses d’indemnité forfaitaire ou de clauses pénales.

Les premières sont des stipulations par lesquelles les parties aménagent à l’avance les conséquences de l’échec de la vente projetée, pour le cas par exemple où l’une des conditions suspensives viendrait à défaillir. Dans cette hypothèse particulière, ces clauses tendent à indemniser le vendeur du préjudice lié à l’immobilisation de son bien pendente conditione (d’où certainement le flottement terminologique qui pousse la pratique à les intituler « indemnité d’immobilisation »). Elles jouent en cas de défaillance de la condition, quelle que soit la cause de celle-ci (V. O. Baret, Rép. imm. Dalloz, v° Promesse de vente, n° 21).

Les clauses pénales répondent à une préoccupation différente. En droit, le terme désigne « une stipulation par laquelle les parties contractantes évaluent par avance et de façon forfaitaire le montant des dommages-intérêts qui seront dus par le débiteur, à titre de peine – d’où l’appellation clause pénale – en cas d’inexécution, totale ou partielle, de l’obligation ».

L’enjeu de cette qualification est capital, car seules les clauses pénales sont susceptibles d’être révisées par le juge. En effet, en matière de clauses d’indemnité forfaitaire, le juge est lié par l’art. 1134 du code civil, faute d’une disposition dérogatoire comparable à l’art. 1152.

Dans l’arrêt rapporté, la clause litigieuse prévoyait que, si la défaillance de la condition suspensive d’obtention d’un prêt résultait de la faute de l’acquéreur, le vendeur conserverait le dépôt de garantie à titre d’indemnité. Le contrat précisait, en outre, que cette faute pourrait résulter du fait de s’abstenir de toute demande, de fournir les justifications exigées par un éventuel prêteur ou de refuser sans motif légitime les offres reçues.

La référence à la faute de l’acquéreur est déterminante. Elle démontre que l’objet de la clause était d’assurer l’exécution des obligations de diligence que le contrat lui imposait dans la recherche d’un prêt. Cet objet particulier – inciter à l’exécution par la menace d’une indemnité forfaitaire d’un montant élevé – devait emporter la qualification de clause pénale.

Il faut attirer l’attention des rédacteurs d’actes sur ce point car, à l’inverse, la Cour de cassation refuse la qualification de clause pénale – et, partant, toute idée de réduction – lorsque la clause « d’indemnité d’immobilisation »ne comporte aucune référence à la faute de l’acquéreur. Ont ainsi été qualifiées de clauses d’indemnité forfaitaire, au motif qu’elles n’avaient »pas pour objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de ses obligations », des clauses qui prévoyaient :

* qu’en cas de non-réalisation d’une condition suspensive dans le délai contractuel, l’acquéreur versera une indemnité d’immobilisation au vendeur (Civ. 3e, 29 juin 1994, Bull. civ. III, n° 139 ; D. 1994. IR. 195 ; JCP 1994. I. 3809, n° 20, obs. Viney ; Defrénois 1994. 1459, obs. Mazeaud) ;

* que dans le cas où le projet ne pourrait se réaliser pour quelque raison que ce soit, le dépôt de garantie sera conservé par le vendeur à titre d’indemnité d’immobilisation (Civ. 3e, 30 avr. 2002, Bull. civ. III, n° 90 ; Defrénois 2002. 1257, obs. Savaux ; JCP E 2003. 585, n° 12, obs. Seube ; RDC 2003. 99, obs. Collart-Dutilleul).

En pratique, mieux vaut donc faire soigneusement le départ entre ces deux types de clauses, quitte à les combiner pour assurer au vendeur une protection maximale.

Cour de Cassation 3ème Chambre Civile 24 septembre 2008 07-13989

Source :M. Grégoire forest, au recueil Dalloz 2008 p.2497

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