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Publié le 2 Fév 2020

Qui est le titulaire du bail signant pour le compte de la société en formation ?

Bien que les statuts de la société ne mentionnent pas la reprise du bail dans ses annexes et qu’il n’existe aucun mandat écrit autorisant le gérant à contracter le bail au nom de la société, la société est titulaire du bail puisque les parties avaient la volonté de substituer la société à son associé-gérant.

Pour mémoire, les dispositions de l’article 1843 du Code civil prévoient que les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant son immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.

Il est également prévu que les engagements souscrits seront réputés l’avoir été pour le compte de cette société dès l’origine.

En l’espèce, par un jugement du 4 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de la société unipersonnelle à responsabilité limitée.

Le bailleur commercial a déclaré une créance au passif de la société correspondant aux loyers impayés depuis le mois d’octobre 2015 au titre du bail, conclu le 5 mars 2005, portant sur des locaux dans lesquels la société exerçait son activité. Le bailleur a, le 5 octobre 2016, saisi le juge-commissaire d’une requête aux fins de constatation de la résiliation de plein droit du bail.

Par un jugement du 22 novembre 2016, le tribunal a prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement.

L’associé fondateur et gérant de la société débitrice est intervenu volontairement à l’instance introduite par le bailleur en résiliation du bail pour qu’il soit jugé qu’il est le seul titulaire du droit au bail.

Par une ordonnance du 19 janvier 2017, le juge-commissaire a rejeté la requête du bailleur et la demande du gérant de la société. Celui-ci a formé un recours contre cette ordonnance.

C’est en vain que le gérant de la société fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes.

En effet, après avoir constaté que le contrat de bail mentionne qu’il est signé par l’associé gérant « pour le compte d’une société à constituer devant se substituer, qui aura pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce dans le locaux loués… », l’arrêt retient qu’en signant ce contrat, le bailleur et le signataire ont donné de façon non équivoque leur accord pour que l’engagement souscrit par ce dernier pour le compte de la future société soit exclusivement assumé par cette dernière.

Il relève que la société a bien exploité le fonds de commerce dans les locaux loués conformément au contrat de bail, que son siège social y était situé, que tous les actes d’exécution du bail ont été accomplis par la société et que depuis la signature du bail en 2005, cette société s’est comportée comme étant la seule titulaire du bail et le bailleur l’a considérée comme telle.

Il constate ensuite que les loyers ont été payés par la société et non par son gérant, qui produit quatorze chèques dont seulement deux sont émis par lui, l’un en qualité de caution, ce qui suppose qu’il n’était pas le titulaire du bail, et l’autre du 26 septembre 2016, qui semble avoir été impayé.

Il relève encore que c’est la société qui a sollicité en référé des délais pour se libérer des sommes dues au titre des loyers, se comportant de manière non équivoque en titulaire du bail, qu’elle était titulaire d’un dépôt de garantie du montant fixé initialement dans le bail, montant que le cessionnaire a remboursé à la liquidation judiciaire, et que le bailleur a fait délivrer les commandements de payer à cette société et a produit sa créance de loyers à la liquidation judiciaire de la société sans que le gérant ne conteste cette créance.

Il relève enfin que la société a souscrit un emprunt pour financer des travaux d’aménagement du fonds de commerce et que le nantissement en garantissant le remboursement comprend le droit au bail.

De ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu, en l’état des termes de la clause de substitution stipulée au bail, qui la dispensait de faire application des dispositions de l’article 1843 du Code civil, déduire, bien que les statuts de la société, société à associé unique, ne mentionnent pas la reprise du bail dans ses annexes et qu’il n’existe aucun mandat écrit autorisant le gérant à contracter le bail au nom de la société, que les parties avaient la volonté de substituer la société à son associé-gérant lors de la signature du bail et que, de fait, la société s’était bien substituée à lui dans tous les actes d’exécution de ce contrat habituellement accomplis par un preneur.

En d’autres termes, dès lors qu’un bail commercial est signé « pour le compte d’une société à constituer » et que le bailleur et le preneur ont toujours agit comme si elle était titulaire du bail (paiement de loyer, du dépôt de garantie et procédure judiciaire), et ce même si les actes constitutifs ne reprennent pas expressément la reprise du bail dans ses annexes et qu’il n’existe aucun mandat écrit autorisant le gérant à contracter le bail au nom de la société, cette dernière est reconnue comme étant la seule titulaire du bail.

Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 15 Janvier 2020 n° 17-28.127

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