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Publié le 24 Sep 2017

Recours contre l’état qui refuse d’accorder le concours de la force publique

Le Conseil d’Etat précise les voies de droit dont dispose un propriétaire pour obtenir du préfet qu’il accorde le concours de la force publique pour expulser les occupants sans titre de son bien.

Le propriétaire, auquel le préfet a refusé le concours de la force publique pour l’exécution d’une décision d’expulsion, peut saisir le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir pour annuler ce refus.

Il peut assortir ce recours de conclusions visant à ce que le tribunal ordonne au préfet de lui accorder le concours de la force publique.

Lorsqu’il introduit un tel recours, le propriétaire peut demander au juge des référés de prononcer la suspension du refus du préfet dans l’attente du jugement au fond (C. just. adm. art. L 521-1).

Cette voie de droit est subordonnée à une condition d’urgence et à l’existence d’un doute sérieux sur la légalité du refus. La condition d’urgence doit être appréciée en tenant compte de l’atteinte aux intérêts du propriétaire résultant de la poursuite de l’occupation irrégulière de son bien.

S’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge des référés qui prononce la suspension du refus peut ordonner au préfet de réexaminer la demande de concours de la force publique.

En revanche, il ne pourra pas directement ordonner la réalisation de l’expulsion.

Le refus de concours de la force publique opposé au propriétaire est susceptible de représenter une atteinte grave à une liberté fondamentale (C. just. adm. art. L 521-2).

La mise en œuvre de cet article par le juge des référés est subordonnée à une urgence particulière rendant nécessaire l’intervention, dans les 48 heures, d’une mesure de sauvegarde.

Si le juge estime que cette condition est remplie, eu égard aux circonstances particulières invoquées devant lui par le propriétaire, et si le refus de concours est manifestement illégal, le juge pourra enjoindre au préfet d’accorder ce concours dans la mesure où une telle injonction est seule susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.

Le refus opposé par le préfet à une demande de concours de la force publique pour exécuter un jugement d’expulsion engage la responsabilité de l’Etat à l’égard du propriétaire.

Celui-ci peut donc prétendre à une indemnité, couvrant l’ensemble des préjudices résultant pour lui de la poursuite de l’occupation irrégulière de son bien, notamment ses pertes de loyers.

Mais le propriétaire peut ne pas se satisfaire de cette indemnisation.

S’il entend récupérer effectivement son bien, il peut obtenir du tribunal administratif qu’il ordonne au préfet de faire procéder à l’expulsion.

L’arrêt commenté éclaire sur les voies de droit dont le propriétaire dispose à cette fin.

La voie normale consiste à présenter un recours pour excès de pouvoir contre le refus de concours, assorti de conclusions à fin d’injonction (C. just. adm. art. L 911-1).

Le tribunal vérifiera si le refus de concours est légalement justifié par des considérations d’ordre public.

Dans la négative, il l’annulera et ordonnera la réalisation de l’expulsion, en prononçant éventuellement contre l’Etat une astreinte dont il fixera le taux par jour de retard.

Cette procédure prend rarement moins d’un an, souvent nettement plus. Pour obtenir une intervention rapide du juge, le propriétaire qui a présenté un recours pour excès de pouvoir peut le doubler d’un référé suspension (C. just. adm. art. L 521-1).

La suspension du refus peut être obtenue, à bref délai, en cas d’urgence et de doute sérieux sur sa légalité.

Elle ne se traduira pas par une injonction d’accorder le concours de la force publique car une telle mesure serait en pratique définitive alors que le juge des référés ne peut normalement ordonner que des mesures provisoires.

Mais le juge des référés pourra enjoindre au préfet de réexaminer la demande de concours, ce qui pourrait avoir une certaine efficacité.

Reste une voie de droit d’usage exceptionnel qui est celle du référé liberté (C. just. adm. art. L 521-2).

Elle peut être empruntée même si le refus de concours n’a pas été attaqué. La décision du juge est très rapide puisqu’il doit statuer en 48 heures.

Mais le requérant doit justifier d’une urgence particulièrement intense telle que, par exemple, comme dans l’arrêt commenté, l’échéance très proche d’un compromis de vente du local sous condition de libération préalable des lieux.

Il faut ensuite démontrer que l’inertie du préfet porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit du propriétaire de disposer de son bien.

La jurisprudence reconnaît qu’une telle atteinte peut résulter d’un refus de concours de la force publique (CE 29-3-2002 no 243338, SCI Stephaur : Lebon p. 117 ; CE réf. 27-1-2003 no 253001, Min. intérieur c/ Sté Kerry : Lebon T. p. 928 et 931).

Dans ce cas, compte tenu de la nécessité de mettre fin au plus vite à l’atteinte, le juge des référés peut ordonner au préfet de procéder à l’expulsion, éventuellement sous astreinte.

C’est ce que fait le Conseil d’Etat dans l’arrêt commenté.

Il censure une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif niant l’urgence alors que le propriétaire des locaux commerciaux, qui cherchait depuis de nombreuses années à obtenir l’expulsion de la société locataire, produisait un compromis de vente sous condition suspensive de libération des lieux dont la date d’échéance était très proche.

Statuant comme juge du référé liberté, le Conseil d’Etat ordonne au préfet d’accorder le concours de la force publique dans un délai de 3 mois, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.

Conseil d’État, 5ème – 4ème chambres réunies, 01/06/2017, 406103

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