Pour refuser l’application de la réduction de 1% de l’indemnité d’éviction par jour de retard, il doit être recherché quel était le montant de l’indemnité d’éviction restant effectivement due au jour où le bailleur avait déposé les fonds.
Pour mémoire, il résulte des articles L. 145-29 et L. 145-30 du Code de commerce qu’à défaut de remise des clefs à la date fixée et passé le délai de trois mois à compter de la notification au locataire du versement de l’indemnité d’éviction à un séquestre, celui-ci retient 1 % par jour de retard sur le montant de l’indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance.
Il s’en évince que cette retenue ne peut s’appliquer que si, à la date de la notification au preneur du versement au séquestre, la somme séquestrée couvre l’intégralité de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires.
En l’espèce, l’indemnité d’éviction due par la bailleresse à la locataire évincée des locaux, à défaut de renouvellement du bail commercial, le 20 juillet 2009, a été fixé par un arrêt irrévocable du 1er décembre 2016.
La bailleresse, après avoir signifié cet arrêt le 30 janvier 2018, a notifié, le 13 avril 2018, la mise sous séquestre de la somme de 602 303 euros au titre de l’indemnité d’éviction.
Le 19 juillet 2018, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la bailleresse a rappelé à la preneuse qu’elle aurait dû quitter les lieux, le 13 juillet 2018, soit dans les trois mois de la séquestration de l’indemnité d’éviction.
Se prévalant de la sanction attachée à ce manquement, la bailleresse a assigné la locataire pour obtenir restitution entre ses mains du montant de la somme séquestrée.
A titre reconventionnel, la locataire a sollicité le versement à son profit de la somme séquestrée à hauteur de 575 608 euros.
Ayant retenu, à bon droit, que l’intérêt au taux légal avait couru dès l’arrêt, exécutoire dès son prononcé, ayant fixé l’indemnité d’éviction et, qu’en application de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier, ce taux avait été majoré de cinq points à l’expiration de deux mois, la cour d’appel en a exactement déduit qu’était applicable, à compter du 1er décembre 2016, l’intérêt au taux légal et, à compter du 1er février 2017, l’intérêt au taux majoré.
Cependant, pour écarter l’application de la retenue de 1 %, l’arrêt retient que la bailleresse n’a pas séquestré l’intégralité de la somme due, en principal et intérêts.
En se déterminant ainsi, après avoir relevé que la bailleresse avait déposé entre les mains du séquestre une somme de 602 303 euros, sans préciser ni rechercher quel était le montant de l’indemnité d’éviction, en principal et accessoires, restant effectivement dû au jour où le dépôt avait été accompli, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 19 Octobre 2022 n°21-16.055