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Publié le 25 Fév 2014

Refus de l’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes

Le bailleur peut, après la délivrance du congé offrant une indemnité d’éviction, invoquer à tout moment des motifs graves et légitimes telles que l’absence de convocation à un acte de sous-location et la non répercussion du sous-loyer pour s’opposer au versement d’une indemnité à la condition qu’il ait ignoré au moment de la délivrance du congé les griefs invoqués par la suite.

La clause du bail autorisant la sous-location ne dispense pas la locataire principale d’appeler le bailleur à concourir aux conventions de sous-locations qu’elle a consenties et, à défaut, prive celui-ci de pouvoir exercer l’action en augmentation du loyer principal prévue à l’article L. 145-31 du Code de commerce, alors que le loyer des sous-locations excédait manifestement, rapporté à la surface donnée en sous-location, le prix du loyer du bail principal.

La mise en demeure prévue à l’article L. 145-17 du Code de commerce est inutile lorsque l’infraction reprochée est irréversible puisque le bailleur n’a pas été appelé à concourir aux actes de sous-location, la circonstance que les sous-locations avaient cessé au jour du jugement étant indifférente à cet égard.

De principe, le bailleur peut invoquer en tout état de cause l’inapplication du statut des baux commerciaux et ce, de jurisprudence constante, même postérieurement à la délivrance du congé, il est admis qu’il peut également faire valoir en cours d’instance des motifs non visés par le congé qui a été précédemment notifié dès lors qu’il n’en a eu connaissance qu’après délivrance de celui-ci (Cass. 3e civ., 1er mars 1995 : Loyers et copr. 1995, comm. 427).

En l’espèce, la Cour relève qu’aucun document n’est invoqué permettant de retenir que la bailleresse aurait eu connaissance de l’infraction reprochée concernant les actes de sous-location antérieurement à la délivrance du congé, le jugement entrepris relevant au contraire l’obstacle mis par le preneur à la réalisation dans les lieux de travaux par le bailleur…

Par ailleurs, l’article L 145-17-1 du Code de commerce prévoit que le propriétaire peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’une indemnité d’éviction, en subordonnant toutefois le refus à la persistance de l’infraction commise par le preneur, nonobstant la délivrance d’une mise en demeure dès lors qu’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds…

La jurisprudence estime que certaines infractions présentent un caractère irréversible rendant inutile la délivrance d’une mise en demeure préalable, et tel est le cas lorsque le preneur a conclu une sous-location non autorisée par le bail ou le propriétaire (CA Paris, 5 déc. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 173, obs. Ph.-H. Brault), comme dans le cas où le preneur serait passé outre à une clause limitant le droit de sous-louer (CA Paris, 4 juill. 1995 : Administrer déc. 1995, p. 61, obs. B. Boccara. – CA Paris, 13 févr. 2004 : AJDI 2004, p. 379).

Même dans l’hypothèse où le bail autorise expressément la sous-location totale ou partielle des lieux loués, l’article L. 145-31 prévoit que le propriétaire doit être appelé à concourir à l’acte : le preneur doit l’informer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et le propriétaire dispose alors d’un délai de quinze jours pour faire connaître s’il entend concourir à l’acte, à défaut le locataire peut passer outre.

La jurisprudence considère également qu’à défaut d’avoir appelé le bailleur à concourir à l’acte et de l’avoir ainsi régulièrement informé de la sous-location consentie, le preneur s’expose à un refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sans que ce grief ne soit nécessairement précédé de la notification de la mise en demeure préalable prévue par l’article L. 145-17-1 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 13 mars 1991 : Rev. loyers 1991, p. 283. – Cass. 3e civ., 29 nov. 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 267. – Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, n° 02-11.621, Meneult c/ Gayou : JurisData n° 2003-019832 ; Loyers et copr. 2003, comm. 222, obs. Ph.-H. B).

C’est en ce sens que se prononce également la cour de Paris, en estimant inutile la notification d’une quelconque mise en demeure dès lors que cette infraction présente un caractère irréversible.

CA Paris, pôle 5, 3e ch., 16 oct. 2013, n° 11/22582

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