L’accord collectif doit être respecté alors même que la vente de plus de dix logements s’étale sur de nombreuses années.
Rendue sur renvoi après cassation par un arrêt de la troisième chambre civile du 17 décembre 2014 (Cass. 3e civ., 17 déc. 2014, n° 13-24674), cette décision adopte la position prise initialement dans cette même affaire par un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2012 (Cass. 3e civ., 18 janv. 2012, n° 11-30003).
La difficulté était relative au seuil de déclenchement des accords collectifs de location, plus précisément à la condition d’une vente par lots de plus de dix logements (seuil exigé à l’époque des faits). Ces ventes doivent-elles intervenir simultanément ou peuvent-elles être étalées dans le temps ? Les accords sont muets sur ce point.
Il se peut que l’étalement des ventes ait pour seule finalité de contourner le seuil de onze logements, auquel cas cette fraude est sanctionnée par une nullité de l’offre de vente faite au mépris des dispositions de l’accord collectif (pour un exemple, CA Paris, 6e ch., sect. C, 28 nov. 2006 : AJDI 2007, p. 138).
Même sans volonté frauduleuse, les juges du fond ont pu estimer que le contenu des accords doit être respecté alors même que la vente des logements s’étale sur de nombreuses années (CA Paris, 6e ch., sect. B, 6 déc. 2007 : AJDI 2008, p. 213), position confirmée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 janv. 2012, préc.).
À lire la jurisprudence, l’important est que le propriétaire ait bien eu l’intention à un moment donné de procéder à une vente par lots portant sur plus de dix logements, peu important le fait que ces ventes s’étalent dans le temps.
En l’espèce, la propriétaire avait mis en vente 18 logements entre 1998 et décembre 2003, certaines ayant abouti, d’autres non.
Elle estimait que le congé litigieux délivré en 2007 ne faisait pas partie de cette opération globale et n’avait pas à respecter les accords collectifs, plus précisément l’obligation préalable d’information des locataires.
En réalité, ce congé avait été précédé d’un premier congé irrégulier délivré en 2001 et concernait donc une vente projetée au départ et n’ayant pas abouti.
Ce second congé manifestait donc la volonté du bailleur de poursuivre l’opération globale de vente projetée initialement et peu importait que cinq ans se soient écoulés depuis la dernière vente réalisée.
Ainsi, après l’annulation du premier congé en 2001, le propriétaire a vu dans cette affaire le congé de 2007 également annulé faute d’irrespect des accords collectifs et le bail renouvelé une deuxième fois pour six ans.
Cour d’appel de Paris, 3ème Chambre, 17 mars 2016 n° 15/03284