Le créancier inscrit ne saurait obtenir des dommages et intérêts dès lors que le préjudice né de la perte de sa sûreté résulte de son inertie et non de la notification tardive de l’assignation en résiliation du bail.
Si le créancier inscrit qui, en violation de l’article L. 143-2 du code de commerce, n’a pas été averti de l’action en résiliation du bail peut, au-delà de l’inopposabilité de celle-ci, obtenir des dommages et intérêts, c’est à la condition que le préjudice pour lequel il demande à être indemnisé soit né du manquement du bailleur, et non de son inertie.
Cette affaire avait, en 2006, déjà donné lieu à un arrêt du juge du droit, aux termes duquel une cour d’appel avait été censurée pour avoir débouté le créancier inscrit, intervenu volontairement en appel, de sa demande d’inopposabilité de la résiliation du bail commercial, au motif que le jugement entrepris n’avait pas été exécuté et que le demandeur a été en mesure de faire valoir son point de vue en temps utile. Pour la haute cour, en effet, l’inopposabilité de la résiliation intervenue est acquise de plein droit dès lors que le bailleur a manqué à ses obligations à l’égard du créancier inscrit (Civ. 3e, 12 juill. 2006, Bull. civ. III, n° 169).
Fort de ce premier succès, devant la cour de renvoi, le créancier avait tenté de pousser son avantage en portant le débat sur le terrain de l’octroi de dommages et intérêts (condamnant le bailleur à rembourser au créancier inscrit le montant non payé de sa créance sur le fonds, Com. 11 juill. 2006, Bull. civ. IV, n° 176; évaluant le préjudice au montant du nantissement, Paris, 12 janv. 1993, D. 1993. IR 109 . Pour une application de la théorie de la perte d’une chance, V. enfin Paris, 17 juin 1993, Gaz. Pal. 1994. 1. Somm. 173).
Il est débouté pour ne pas être intervenu, alors qu’il a bénéficié d’un délai conséquent pour payer la dette locative aux lieu et place [du locataire] ou pour faire vendre le fonds de commerce.
Cette solution mérite approbation, car il ne pouvait être sérieusement soutenu que le lien de causalité entre le manquement du bailleur et le préjudice du créancier avait survécu aux six années ayant séparé le moment où ce dernier a eu connaissance de la procédure en résiliation et la date à laquelle la cour d’appel a statué.
Quant à l’argument selon lequel la créance était « irrécouvrable dès l’origine », faute d’être étayée, il n’a pas prospéré.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 9 novembre 2011 n° 10-20021