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Publié le 9 Avr 2012

Sanction du défaut de régularisation annuelle des charges

En l’état de l’obligation légale d’une régularisation annuelle des charges pesant sur le bailleur, la réclamation présentée sur une période écoulée de cinq ans de plus du triple de la somme provisionnée, si elle est juridiquement recevable et exacte dans son calcul est, dans ce cas, déloyale et brutale et constitutive d’une faute dans l’exécution du contrat.

L’affaire ayant débouché sur l’arrêt de rejet rapporté est l’occasion d’attirer l’attention des bailleurs – et de leurs conseils – quant à leurs obligations en matière de régularisation des charges et quant à l’étendue de la sanction qui peut découler de leur non-respect.

Il s’agit toutefois d’un arrêt d’espèce, tant les manquements étaient caractérisés, mais permet de rappeler un certain pricnipe de loyauté.

Le rattrapage fautif du défaut de régularisation de charges

Lorsque, comme c’est le cas dans la très grande majorité des contrats de location portant sur un local d’habitation, les charges locatives donnent lieu au versement de provisions, le bailleur est tenu de procéder à une régularisation au moins annuelle.

Applicable tant dans le secteur privé (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 23) que dans le secteur social (conventionné ou non : L. 1989, art. 40), cette règle se caractérise par le fait que son manquement n’est pas spécifiquement sanctionné.

En application du droit commun des obligations, le contrevenant s’expose néanmoins aux foudres du juge, notamment sur le fondement de la mauvaise foi (C. civ., art. 1134).

Il a d’ailleurs déjà été jugé que ce défaut de régularisation pouvait donner lieu à une réduction de la provision pour charges (Civ. 3e, 18 juin 2002, Administrer avr. 2003. 46, note Gauclère) ou à une impossibilité de réclamer le paiement des charges échues ou des provisions à échoir (Paris, 20 mars 2007, AJDI 2007. 561 ; refusant d’appliquer la clause résolutoire pour défaut de paiement des charges, jugées non exigibles, V. aussi Paris, 1er juill. 2008, AJDI 2008. 857 ).

Au cas particulier, en dépit de plusieurs réclamations du locataire, le bailleur avait, de nombreuses années durant, refusé toute régularisation, maintenant le montant de la provision au prix stipulé au bail.

Plus de sept ans après la signature du bail, il s’était toutefois manifesté et avait réclamé une régularisation sur les cinq dernières années (dans la limite, donc, de la prescription quinquennale de l’art. 2224 C. civ.), pour un montant de plus de 9 000 €, soit un « rattrapage » mensuel correspondant à trois fois la somme provisionnée.

Devant l’absence de réponse de son cocontractant, il devait l’assigner, ainsi que la personne qui s’est portée caution solidaire (entre-temps, les lieux avaient été libérés et le locataire était décédé). Reconventionnellement, celle-ci demandait l’allocation de 10 000 € de dommages et intérêts. Elle a eu gain de cause devant la cour d’appel (Rouen, ch. prox., 6 janv. 2011) laquelle, après avoir condamné la caution à payer les charges dues, lui a octroyé les dommages et intérêts qu’elle sollicitait.

Cette solution est approuvée par la haute juridiction, qui considère que les juges normands ont pu retenir des circonstances de l’affaire que si la demande du bailleur était juridiquement recevable, sa réclamation était « déloyale et brutale », constitutive d’une véritable faute dans l’exécution du contrat.

La hauteur de l’indemnisation du locataire

Dans la troisième branche de son pourvoi, le bailleur estimait que le quantum des dommages et intérêts réclamé – et retenu -, en ce qu’il revenait à effacer purement et simplement la dette locative du preneur, portait atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties.

Or il est de jurisprudence avérée que la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi, qui permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, ne l’autorise pas à porter une telle atteinte (V., en matière de cession d’actions, Com. 10 juill. 2007, Bull. civ. IV, n° 188 ; aussi, en matière de cession de fonds de commerce, Civ. 3e, 9 déc. 2009, Bull. civ. III, n° 275).

L’argument n’a pas été jugé pertinent par le juge du droit qui, se retranchant derrière le pouvoir souverain d’appréciation, par les juges du fond, du montant total des chefs de préjudice, a estimé qu’ils n’étaient pas tenus d’en préciser les éléments (la somme allouée visait aussi à indemniser le défaut partiel de délivrance du bailleur, coupable de ne pas avoir mis à la disposition du locataire la cave visée au bail).

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 21 mars 2012 n° 11-14174

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