La cession d’un droit au bail qui, au lieu de conférer au cessionnaire les droits attachés à un bail commercial, ne lui donne que le bénéfice d’un sous-bail consenti par un emphytéote, sans droit au maintien dans les lieux ni droit au renouvellement ou indemnité d’éviction à l’expiration du bail emphytéotique, ce qui affecte la nature et l’étendue du droit cédé, ouvre droit à la garantie d’éviction du cédant.
En l’espèce, une société a acquis un fonds de commerce exploité dans un local qui avait été donné à bail commercial. Ayant appris que le bailleur n’était pas propriétaire du bien mais seulement emphytéote, suivant un bail du 18 juin 1928 devant s’achever le 29 septembre 2028, la société a agi en réparation de son préjudice au motif qu’elle n’était en réalité que sous-locataire d’un emphytéote.
Pour rejeter les demandes du locataire, la Cour d’appel répond que:
- la société est toujours dans les lieux et qu’il n’est pas démontré qu’à l’issue du bail emphytéotique en cours elle subira une éviction.
- la société exploite toujours son fonds de commerce dans les lieux et que sa situation par rapport à la propriété des murs lors d’une éventuelle cession est incertaine, de sorte que le caractère certain du préjudice invoqué fait défaut.
La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel aux motifs que:
- en statuant ainsi, alors que la cession d’un droit au bail qui, au lieu de conférer au cessionnaire les droits attachés à un bail commercial, ne lui donne que le bénéfice d’un sous-bail consenti par un emphytéote, sans droit au maintien dans les lieux ni droit au renouvellement ou indemnité d’éviction à l’expiration du bail emphytéotique, ce qui affecte la nature et l’étendue du droit cédé, ouvre droit à la garantie d’éviction du cédant, la cour d’appel a violé les articles L. 145-3 et L. 145-32 du Code de commerce et l’article 1626 du Code civil.
- en statuant ainsi, alors que l’acquisition d’un fonds de commerce comportant un droit au bail qui ne confère pas de droit au renouvellement au-delà de l’expiration du bail emphytéotique dont le bailleur tient ses droits cause un préjudice matériel actuel et certain au cessionnaire, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 du Code civil.
Conseils:
- en présence d’un bail emphytéotique ou d’un bail à construction, le bailleur veillera bien à indiquer l’existence de ces baux et le fait que le bail commercial signé se résiliera sans indemnité au terme du bail emphytéotique ou du bail à construction;
- en cas de cession, les rédacteurs sont invités à s’assurer que le bailleur ne l’est pas en fonction d’un bail à construction ou d’un bail emphytéotique.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 Octobre 2019 n° 18-16.063