Le silence gardé pendant un certain temps après que le locataire a changé la destination et la distribution des locaux ne vaut pas renonciation du bailleur à invoquer ces violations du bail commercial pour mettre en œuvre la clause résolutoire.
L’article 1728 du Code Civil précise que le locataire doit user des locaux loués conformément à la destination prévue par le bail.
Si les parties peuvent décider de modifier la destination des lieux, encore faut-il que cela soit d’un commun accord. L’accord du bailleur peut n’être que tacite mais il doit être non équivoque. Ainsi, une simple tolérance de ce dernier (Cass. 3e civ. 5 juin 2002 n°00-20348) ou une attitude passive de sa part (Cass. 3e civ. 4 mai 2006 n°05-10938) ne suffisent pas à établir son consentement à un changement de destination des lieux ou sa renonciation à se prévaloir de cette infraction.
Le propriétaire de deux locaux commerciaux contigus les avait donnés en location à un même artisan par deux contrats, prévoyant la destination de pâtisserie-salon de thé pour l’un et de boulangerie pour l’autre.
Le locataire avait engagé des négociations avec lui pour étendre son activité à celle de petite restauration et faire communiquer les deux commerces.
Dans la perspective d’un accord des bailleurs, et à l’occasion de travaux de mise aux normes, il avait restructuré les lieux, puis il avait entrepris l’activité de restauration envisagée.
Le propriétaire vivait dans l’immeuble et avait connaissance de ces modifications, le locataire ayant obtenu une licence et installé des tables à l’extérieur des locaux.
Après avoir toléré la situation pendant plusieurs années, il avait délivré au locataire un commandement d’avoir à cesser les infractions au bail, visant les clauses résolutoires inscrites dans les deux baux.
Le locataire avait alors fait valoir que le bailleur avait mis en œuvre ces clauses de mauvaise foi.
Cet argument ‘a pas été retenu: ni l’activité de restauration ni la restructuration des locaux n’étaient autorisées par les contrats de bail.
La seule connaissance de l’adjonction d’une activité de petite restauration par le propriétaire et son absence d’opposition ne valaient que simple tolérance et la vétusté des locaux ne dispensait pas le locataire d’obtenir l’autorisation nécessaire pour effectuer des travaux.
La mauvaise foi du bailleur ne résultait donc pas de l’exercice de son droit d’exiger le respect de l’intégrité des locaux et de la destination contractuelle alors que les négociations amiables avaient échoué.
Par suite, la résiliation du bail a été prononcée et l’expulsion du locataire ordonnée.
Ainsi, la seule tolérance ne vaut pas acceptation. Ce point là est rappelé par le nouvel article 1120 du Code civil qui prévoit que « le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières ».
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 mai 2016 n°15-13851