La demande en résolution aux torts du bailleur d’un bail expiré en vertu d’un congé délivré par le preneur et accepté doit être rejetée.
Le local commercial loué subissait de nombreuses infiltrations non endiguées, le preneur a stoppé de régler les sommes dues.
Le locataire a mis en demeure son cocontractant (condition sine qua non pour obtenir un dédommagement : Civ. 3e, 8 juill. 2009, Rev. loyers 2009. 391 ; 29 avr. 2009, Bull. civ. III, n° 88), mais la rétention des loyers, on le sait, ne constitue pas la meilleure des stratégies.
En effet, d’une part, cela n’est possible que si les locaux sont totalement inutilisables (Civ. 3e, 31 oct. 1978, Bull. civ. III, n° 329 ; 21 mars 2006, AJDI 2006. 636) et, d’autre part, il incombe au juge – et à lui seul – de rechercher si les manquements du bailleur à ses obligations justifient le non-paiement (Civ. 3e, 3 avr. 2001, AJDI 2001. 599, ; V. aussi Paris, 16 févr. 2000, D. 2000. AJ 243,).
Quoi qu’il en soit, le bailleur a promptement réagi en faisant délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail.
Dans un premier temps, persistant dans son attitude, le preneur a indiqué qu’il ne réglerait son arriéré que lorsque le bailleur respecterait ses engagements contractuels.
Puis, il a adressé à son cocontractant un courrier intitulé « résiliation du bail précaire » par lequel il mettait unilatéralement fin au contrat (en réalité, un bail dérogatoire) à raison des manquements du bailleur à son obligation de délivrance.
Trois mois plus tard, il délaissait les lieux.
Un peu plus d’un an après, le bailleur a assigné le locataire en paiement.
Reconventionnellement, ce dernier a alors conclu à la résolution du bail aux torts exclusifs du propriétaire.
Estimant que le courrier de résiliation constituait un congé, accepté par le bailleur avant que la demande reconventionnelle ne soit formée, les juges du fond (Amiens, 27 janv. 2009) ont débouté le preneur de ses prétentions au motif que l’article 1184 du code civil, selon lequel la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfait pas à son engagement, n’est pas applicable à un bail expiré en vertu d’un congé accepté.
Dès lors que le juge du droit a estimé que les magistrats picards ont « sans dénaturation », qualifié l’acte litigieux de « congé » et retenu que le bailleur l’avait accepté, la solution ne pouvait qu’être approuvée, puisqu’il ne peut être mis fin deux fois à un même contrat.
Finalement, même une fois le congé donné – et accepté -, le preneur eut été mieux inspiré de rester sur le terrain de la seule demande d’indemnisation, terrain sur lequel il a d’ailleurs obtenu partiellement gain de cause en appel.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 mai 2010 n° 09-13296