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Publié le 8 Mar 2015

Usage exclusif d’habitation et occupation effective des lieux loués

La clause destinant à un usage exclusif d’habitation principale impose au locataire l’occupation effective des lieux à titre d’habitation.

En application de l’article 1728 du code civil et de l’article 7, b, de la loi du 6 juillet 1989, le locataire doit respecter la destination des locaux loués. En pratique, il n’est pas rare que le bail précise que les locaux seront à usage exclusif d’habitation. Mais la portée de cette clause est source de difficultés.

Il est admis que cette stipulation impose au locataire de s’abstenir de tout usage professionnel ou commercial des locaux loués. Par exemple, l’exercice dans les lieux de la profession d’architecte est interdit (Civ. 3e, 16 juill. 1997, n° 95-17.272).

Il a, cependant, été jugé que certaines activités ne sont pas incompatibles avec un usage exclusif d’habitation en ce qu’elles n’affectent pas l’usage familial des locaux (V. Civ. 3e, 14 mai 1997, n° 95-18.290) comme l’activité de styliste ne conduisant à recevoir ni client ni marchandise et ne causant aucun trouble dans l’immeuble (Civ. 3e, 14 janv. 2004, n° 02-12.476).

En l’espèce, au cours du bail, un locataire avait épousé l’occupante d’un autre logement situé au sein du même immeuble. Les conjoints avaient choisi de conserver les deux appartements. À la suite du décès du preneur, le bailleur avait constaté que l’appartement n’était garni que de piles de livres, à l’exclusion de tout meuble meublant. Il avait alors assigné l’épouse, devenue cotitulaire du bail sans doute par le jeu de l’article 1751 du code civil, en résiliation du contrat pour défaut d’occupation des lieux à usage d’habitation.

Les premiers juges avaient rejeté cette demande au motif que la clause destinant à un usage exclusif d’habitation principale doit être interprétée comme excluant leur usage à titre professionnel, commercial ou à titre de résidence principale, usage qui, en l’espèce, n’est pas établi et ce peu importait, en l’espèce, l’absence de meubles destinés aux actes de la vie courante.

Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation pour laquelle cette motivation est insuffisante à caractériser l’occupation de lieux à titre d’habitation. Il faut en déduire que la clause stipulant une habitation exclusive oblige le preneur à habiter effectivement les lieux (dans le même sens, V. Paris, 30 janv. 2006, n° 2004/08797).

Le respect de la destination à usage exclusif d’habitation implique donc de ne pas faire un usage autre que celui qui est prévu, mais également d’occuper les locaux selon l’usage prévu.

Pourtant, la Cour de cassation estime traditionnellement que la destination mixte du bail n’emporte pas l’obligation pour le locataire d’utiliser les lieux à chacun des usages convenus (Civ. 3e, 15 janv. 1992, Bull. civ. III, n° 11 ; Cass., ass. plén., 2 févr. 1996, n° 91-21.373).

La violation de la destination contractuelle est sanctionnée par la résiliation du bail.

Mais, lorsque le bail est régi par la loi du 6 juillet 1989, l’inoccupation à titre d’habitation des lieux emporte une autre sanction. Le locataire s’expose à être privé du droit au renouvellement puisque les conditions d’application du statut des baux d’habitation ne sont plus réunies (Cass., ass. plén., 2 févr. 1996, préc. ; Civ. 3e, 9 mars 2011, n° 10-30.22).

En effet, le statut des baux d’habitation ne bénéficie qu’au locataire qui use des locaux à titre de résidence principale. Or, depuis la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 23 mars 2014, l’article 2 de la loi de 1989 définit la résidence principale « comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation ».

En cas d’occupation insuffisante des lieux, le bailleur pourra donc délivrer congé pour motif réel et sérieux en invoquant la perte du statut.

Dans l’arrêt commenté, il est curieux que la Cour de cassation vise à la fois l’article 1728 du code civil et l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989. Elle opère ainsi une confusion entre le manquement contractuel caractérisé par le changement de destination des locaux et le champ d’application du statut des baux d’habitation, ce qui rend la portée de cet arrêt incertaine.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 2 juillet 2014 n° 13-18731

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