Lorsqu’un compromis de vente prévoit que la date fixée pour la réitération de l’acte n’est pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l’une des parties peut obliger l’autre à s’exécuter, la vente est parfaite dès la levée des conditions suspensives lorsqu’aucun terme n’a été fixé pour leur réalisation.
Dans le cadre d’opération de vente, il se pose régulièrement la question sur le sort d’un compromis de vente conclu sous conditions suspensives lorsque ces dernières ont été réalisées postérieurement à la date fixée pour la réitération sous la forme authentique.
Dans cette affaire, il s’agit d’une promesse synallagmatique de vente immobilière conclue sous trois conditions suspensives stipulées dans l’intérêt exclusif des bénéficiaires. L’acte prévoyait également que la vente devait être réitérée avant une certaine date. Après le décès du vendeur, les acquéreurs, qui arguaient de la réalisation de toutes les conditions suspensives, ont mis en demeure ses héritiers de régulariser la vente sous la forme authentique. Se heurtant au refus de ces derniers, les acquéreurs les ont assignés en réalisation judiciaire de la vente.
Accédant à leur demande, la cour d’appel a estimé qu’en présence d’un accord sur le prix de la vente ainsi que sur son objet, la vente était devenue parfaite, bien que les pièces versées au débat démontraient que les conditions suspensives avaient été levées postérieurement à la date fixée pour la réitération.
Les juges du fond avaient tiré argument de deux clauses stipulées dans la promesse. La première prévoyait que le délai pouvait être prorogé jusqu’à l’obtention de la dernière pièce nécessaire à l’établissement de l’acte par l’officier public. La seconde précisait que la date déterminée n’était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter.
Ainsi, contrairement à ce que prétendaient les vendeurs, l’expiration du délai n’a pas eu pour effet de rendre caduque la promesse consentie.
C’est ce raisonnement qu’entendait contester le pourvoi. Les moyens développés soutenaient, notamment, qu’aucune demande de prorogation du délai de régularisation de la vente n’avait été sollicitée, de sorte que la tardiveté de la réalisation des conditions suspensives avait rendu la promesse caduque.
La Cour de cassation rejette cet argument. Elle observe que la cour d’appel a retenu « à bon droit » que la date fixée dans le compromis était constitutive du droit d’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter. Elle précise, en outre, qu’en l’absence d’un terme déterminé pour la réalisation des conditions suspensives, les juges du fond ont justement conclu à la perfection de la vente.
La solution retenue souligne l’importance que la Cour de cassation confère à la volonté exprimée par les parties dans la promesse de vente.
Celle-ci se montre notamment attentive au souhait de faire de la réitération par acte authentique une condition de validité de l’opération envisagée (V. Civ. 1re, 9 déc. 2010, n° 09-71.205).
Dans ce cas, la promesse est caduque dès lors que l’évènement ainsi essentialisé ne s’est pas produit (Civ. 3e, 12 oct. 1994, Defrénois 1995. 738, obs. D. Mazeaud).
Plus généralement, il est admis que, lorsqu’une convention a été conclue sous condition suspensive à date ferme, la défaillance de la condition pendant le délai prévu entraîne la défaillance de cette condition et, par voie de conséquence, la caducité de la promesse consentie (Civ. 3e, 28 mars 2007, Bull. civ. III, n° 52).
En revanche, si les parties n’ont pas entendu subordonner la validité du contrat à l’établissement de l’acte authentique, l’écoulement du délai fixé pour procéder à la réitération n’entraine pas la caducité de la promesse de vente (Civ. 3e, 18 févr. 2009, n° 08-10.677, Bull. civ. III, n° 47; 17 juill. 1991, n° 90-11.940, Bull. civ. III, n° 218).
Or c’était précisément le cas en l’espèce, dans la mesure où il résultait des stipulations du compromis de vente que le délai de réitération pouvait être prorogé jusqu’à l’obtention de la dernière pièce nécessaire à l’établissement de l’acte notarié, sans qu’un terme précis n’ait été déterminé. L’évènement essentialisé n’était donc pas la réitération par acte authentique mais la levée de toutes les conditions suspensives. En l’espèce, la vente était, par conséquent, devenue parfaite par l’effet de la réalisation de toutes les conditions et ce, en dépit de l’épuisement du délai initialement fixé pour procéder à la réitération.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 21 novembre 2012 n° 11-23382